Un
proverbe chinois dit : «Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt
». Je crois à une forme de résilience collective, volontaire et ponctuelle
concernant l’idiotie. Preuve en est, longtemps, un américain nous a montré la
lune et nous avons à souhait, oublié de regarder son doigt. Peut-être
avons-nous bien fait, le rêve était dans chacun de ses coups de pédales,
chacune de ses organisations, toutes ses accélérations fulgurantes, ou la
mainmise sur un peloton qu’il résignait. Mais lorsqu’il a été lui-même montré du
doigt, l’astre a noirci. Et nos rêves avec.
Aujourd’hui,
un autre américain en apporte d’autres. Chris Horner, 41 ans vient de remporter
la Vuelta. A part ma petite Reine, encyclopédie des jambes rasées montées sur
des machines bicylées, personne ne le connaît. Mais il possède lui aussi, une
part d’exceptionnel. Car il est devenu le vainqueur le plus âgé de l’histoire
d’un tour majeur. Bien sûr le nom vous dit quelque chose sachant qu’Yvette,
homonyme accordéoné, franchouillard et féminin, a parcouru jusqu’à plus souffle
les routes de la Grand Boucle. Mais aucune récompense n’est venue honorer ses
performances, hormis le maillot à bretelles dont elle était la seule
prétendante.
Alors
oui, Chris Horner n’est pas connu. Mais, gagnant alerte, il gagne à l’être. Et
si l’on accepte le fait que le vélo reste sans doute avec la boxe et la force
tranquille le sport le plus exigeant physiquement, la course des sportifs
contre la montre du temps qui passe, trouve un espoir inespéré dans la victoire
de cet américain au physique de collègue de bureau, fier de sa médaille du
travail venue récompenser vingt ans de carrière accroché au même burlingue en
aggloméré stratifié.
Oui,
pourquoi ne pas imaginer le même destin pour d’autres athlètes ? Après tout, on
ne compte plus les analyses psycho-scientifico-sociologiques démontrant comment
les générations se rapprochent, comment les grands-mères ressemblent à leurs
filles, voire à leurs petites-filles, offrant à «Mamie Nova »une consonance
ultra futuriste loin des propriétés transito-digestives des produits laitiers.
Il en va de même sur le terrain du sport. L’âge des artères recule à la force
des meilleures préparations, de l’optimisation des soins, de la qualité du
suivi, toutes ces améliorations qui, dopage ou pas, jouent un rôle clef dans la
capacité à durer sur la longueur. Et je ne parle pas que de Rocco Siffredi.
On
verra peut-être ainsi Fred Michalak, 36 ans, tenter et réussir la pénalité du
titre de champions du monde à Tokyo en 2019. Ou Franck Ribéry 39 ans, tromper le gardien brésilien et
emmener la France en finale de la Coupe du monde au Qatar en 2022. On
s’exaltera pourquoi pas devant Usain Bolt, qui passera pour la première fois
sous les 9.45 sur 100m à l’occasion du meeting de Berlin 2026 et de la
célébration de son 40ème anniversaire. Et qui sait si l’on ne se
jettera pas les uns sur les autres de joie en voyant Teddy Riner célébrer son
20ème titre de champion du monde à Moscou en 2029 devant ses
premiers petits enfants ? Après tout, on dit bien que les champions sont
éternels. Il est temps d'avancer un peu sur la distance.
En
attendant, et d’autant que, comme le disait Desproges, «l’ibère est rude », on
ne peut que se réjouir d’avoir vu notre pionnier américain poussé par des cris
d’honneur tout au long des derniers lacets vueltesques. Il le mérite, et je peux ainsi continuer à rêver
moi aussi, quadragénaire avancé, de remettre un short et de retrouver les
terrains de rugby comme si les jours n’avaient été que des minutes, les années
des semaines et mon corps, le miroir de celui de mon fils. Enfin peut-être pas,
16 ans j’aurais pas l’âge de jouer en équipe 1, ce serait idiot, il faudrait
attendre de vieillir un peu.
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