dimanche 15 septembre 2013

Cris d'honneur

Un proverbe chinois dit : «Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt ». Je crois à une forme de résilience collective, volontaire et ponctuelle concernant l’idiotie. Preuve en est, longtemps, un américain nous a montré la lune et nous avons à souhait, oublié de regarder son doigt. Peut-être avons-nous bien fait, le rêve était dans chacun de ses coups de pédales, chacune de ses organisations, toutes ses accélérations fulgurantes, ou la mainmise sur un peloton qu’il résignait. Mais lorsqu’il a été lui-même montré du doigt, l’astre a noirci. Et nos rêves avec.

Aujourd’hui, un autre américain en apporte d’autres. Chris Horner, 41 ans vient de remporter la Vuelta. A part ma petite Reine, encyclopédie des jambes rasées montées sur des machines bicylées, personne ne le connaît. Mais il possède lui aussi, une part d’exceptionnel. Car il est devenu le vainqueur le plus âgé de l’histoire d’un tour majeur. Bien sûr le nom vous dit quelque chose sachant qu’Yvette, homonyme accordéoné, franchouillard et féminin, a parcouru jusqu’à plus souffle les routes de la Grand Boucle. Mais aucune récompense n’est venue honorer ses performances, hormis le maillot à bretelles dont elle était la seule prétendante.

Alors oui, Chris Horner n’est pas connu. Mais, gagnant alerte, il gagne à l’être. Et si l’on accepte le fait que le vélo reste sans doute avec la boxe et la force tranquille le sport le plus exigeant physiquement, la course des sportifs contre la montre du temps qui passe, trouve un espoir inespéré dans la victoire de cet américain au physique de collègue de bureau, fier de sa médaille du travail venue récompenser vingt ans de carrière accroché au même burlingue en aggloméré stratifié.

Oui, pourquoi ne pas imaginer le même destin pour d’autres athlètes ? Après tout, on ne compte plus les analyses psycho-scientifico-sociologiques démontrant comment les générations se rapprochent, comment les grands-mères ressemblent à leurs filles, voire à leurs petites-filles, offrant à «Mamie Nova »une consonance ultra futuriste loin des propriétés transito-digestives des produits laitiers. Il en va de même sur le terrain du sport. L’âge des artères recule à la force des meilleures préparations, de l’optimisation des soins, de la qualité du suivi, toutes ces améliorations qui, dopage ou pas, jouent un rôle clef dans la capacité à durer sur la longueur. Et je ne parle pas que de Rocco Siffredi.

On verra peut-être ainsi Fred Michalak, 36 ans, tenter et réussir la pénalité du titre de champions du monde à Tokyo en 2019. Ou Franck Ribéry  39 ans, tromper le gardien brésilien et emmener la France en finale de la Coupe du monde au Qatar en 2022. On s’exaltera pourquoi pas devant Usain Bolt, qui passera pour la première fois sous les 9.45 sur 100m à l’occasion du meeting de Berlin 2026 et de la célébration de son 40ème anniversaire. Et qui sait si l’on ne se jettera pas les uns sur les autres de joie en voyant Teddy Riner célébrer son 20ème titre de champion du monde à Moscou en 2029 devant ses premiers petits enfants ? Après tout, on dit bien que les champions sont éternels. Il est temps d'avancer un peu sur la distance.

En attendant, et d’autant que, comme le disait Desproges, «l’ibère est rude », on ne peut que se réjouir d’avoir vu notre pionnier américain poussé par des cris d’honneur tout au long des derniers lacets vueltesques.  Il le mérite, et je peux ainsi continuer à rêver moi aussi, quadragénaire avancé, de remettre un short et de retrouver les terrains de rugby comme si les jours n’avaient été que des minutes, les années des semaines et mon corps, le miroir de celui de mon fils. Enfin peut-être pas, 16 ans j’aurais pas l’âge de jouer en équipe 1, ce serait idiot, il faudrait attendre de vieillir un peu.

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