lundi 30 septembre 2013

Surf illimité


Si vous avez pour habitude estivale d'aller vous faire dorer la couenne sur les plages basco-landaises, vous n'aurez pas manqué de remarquer qu'année après année, elles se drapent de planches colorées au milieu des serviettes tandis que les écoles de surf proposent initiations et ridicule garanti pour les centaines de primates accédant, faisant passer les fronts de mer pour des baignoires d'enfants à l'heure de concours maousses de canards en plastique. Le trop est l'ennemi du bien, en l'occurrence il devient celui du bain.

Mais de temps en temps ça redevient sérieux. Et même s'il ne fait pas grand beau sur les marques surfwear, ce n'est pas la grisaille qui gâchera le Quiksilver Pro cette semaine à Seignosse. Car là, comme par enchantement, les cadors de la board remplacent les hordes des abords et le spectacle, d'affligeant redevient stupéfiant. Ne voyez là, SVP, aucun joint avec les substances qui créent parfois des Herbonimbus géants au dessus des spectateurs du dit spectacle, je parle bien de performances sportives.

Car même si l'esprit du surf embrasse depuis toujours le désormais célèbre et commercial « Sea, Sex and Sun », on ne surfe pas avec une telle régularité dans la grâce en se tapant à l'année des mojitos au gingembre ou en gratouillant frénétiquement des guitares à la manière d’une victime de crises d’urticaires géantes. Comment ferait sinon Kelly Slater, la quarantaine provocante, pour nous enchanter encore après 11 titres de champion du monde ? Sans compter, entre deux concours officiels lui servant à mater la classe biberon et remplir sa salle des trophées, sans compter donc sur sa capacité à dompter les monstres marins aux quatre coins du monde ou encore, sur l’inacceptable magnétisme qu’il dégage auprès de ma petite sirène. Oui, le surf a bien changé depuis les sessions de nuit californiennes où l’acide servait de carburant et le LSD de lampe torche.

Il est pro, désormais, jusqu’au bout de la wax. Et l’un de ses meilleurs représentants est Joël Parkinson, champion du monde en titre. Malade de son application mobile qui lui aurait permis d’être sacré sans trembler, il ne jure plus que par elle, ses calculs, ses algorithmes, ses optimisations télémétriques. Oui, il est bien loin le temps où l’on se disait qu’après une bonne caisse de bières, le swell serait well et la mer plus douce. Dorénavant il faut classer, organiser, vérifier, planifier, … Exceler pour exceller. Et vendre pour rester dans les courses, connotant sans retour possible la saga du Surfeur d’argent.

Mais ne soyons pas tristes, la magie opère encore. Le surf a fait rêver des millions d’hommes autour de la planète, créant une philosophie de vie en short, un idéal d’épicurisme aux cheveux longs, ajoutant le feu à la jonction de l’eau et de la terre. Oui, la magie s’accomplit toujours en les voyant, surfeurs de haut niveau, insolents de facilité, suscitant les remous, caressant les émois, complices avec notre mer à tous.

L’été prochain c’est décidé, je n’aurai certes pas progressé en figures de style illustres, mais si le soleil brille je mettrai mon amour dans un combi Volkswagen et j’irai lui dénicher quelques lieux préservés des hordes de tous, là où de rares privilégiés partent à l’eau une planche à la main pour en revenir le sourire aux lèvres partager la preuve que la légende est bien réelle, que l’Homme, un jour est arrivé sur la Terre en surfant, mais surtout, qu’il n’a pas de limite.



lundi 23 septembre 2013

Les Bleus dans les yeux

Mon arrière grand mère, que j’ai eu la chance de connaître par la double conjugaison d’une accroche à la vie hors du commun en ce qui la concerne et d’une capacité quasi surnaturelle de ma part à me souvenir d’instants que je n’ai jamais vécus, mon arrière grand mère donc, disait, « si tu as les yeux bleus tu vois la vie différemment ». Petit j’ai regardé d’un drôle d’œil tous mes copains à l’iris concerné, adolescent je craignais qu’elle n’ait eu des penchants pour le vichy pendant la guerre et plus tard, la science m’a démontré qu’elle avait fait beaucoup de progrès depuis les cours de mon institutrice d’aïeule.

Les Bleus sont champions d’Europe et sans doute voient-ils la vie différemment aujourd’hui. Après un match où ils auront récité leur leçon par cœur sous la houlette de Tony the Best faisant passer le sponsor des lituaniens pour un oiseau de mauvaise augure,  je retiendrais quand même l’exploit hispanique de la demi-finale. Car samedi matin, en tombant sur la Une de l’Equipe je prenais les yeux des Bleus dans la pupille et leurs visages d’enfants devant le sapin de Noël, et je me demandais déjà s’ils voyaient la vie différemment après leur incroyable victoire contre ceux qui ne contemplent pas les mêmes Pyrénées que nous.

A la mi-temps de ce défi, le poids des mots, au final, le choc de la photo ; pari et match gagné. On ne revient pas de nulle part sans attaquer de toutes parts, sans combattre l’inéluctable, sans refuser le censé de l’histoire. Après 10 défaites consécutives contre les toreros, qui feraient passer mes multiples échecs au Rubik's Cube pour des victoires de l’intelligence sur le plastique en couleur, les bleus ont renversé bien plus que le cours d’un match, ils ont modifié celui de leurs vies. Dorénavant ils sauront ce dont ils sont capables mais aussi que rien n’est jamais définitif, qu’il faut toujours se battre jusqu’à la muerte, et que le basket n’est pas un sport où Javier et Pedro gagnent toujours à la fin.

J’ai le sentiment de croire également, en sentant les poils de mes bras se hérisser devant ce cliché, ce qui m’arrive rarement sauf lorsque je croise madame Martin ma gardienne, probablement toujours en course pour le titre de championne du monde des femmes à barbe, qu’ils peuvent aussi changer le cours de notre vie. Au moins pour cette journée. Et tout à coup, j’ai l’impression que tout le monde autour de moi a vu la Une du quotidien sportif. Comment, sinon, comprendre que le boulanger jusque là aimable comme un pain dans la gueule ait ce sourire un peu ahuri que l’on ne rencontre habituellement qu’au cœur d'un orgasme venu de nulle part lui aussi ?

A l’heure d’Instagram qui transforme en Joconde potentielle le gros plan d’une quelconque progéniture ingrate, le cliché de l’Equipe nous a offert comme un cadeau de la vie, des kilogrammes d’instantané de bonheur pur. Et cela a suffit au mien, en ce matin de septembre et alors que n'ouvrant qu'à peine les yeux, je ne doutais plus dès lors qu’ils soient bleus, puisque je venais de voir l'envie différemment.

dimanche 15 septembre 2013

Cris d'honneur

Un proverbe chinois dit : «Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt ». Je crois à une forme de résilience collective, volontaire et ponctuelle concernant l’idiotie. Preuve en est, longtemps, un américain nous a montré la lune et nous avons à souhait, oublié de regarder son doigt. Peut-être avons-nous bien fait, le rêve était dans chacun de ses coups de pédales, chacune de ses organisations, toutes ses accélérations fulgurantes, ou la mainmise sur un peloton qu’il résignait. Mais lorsqu’il a été lui-même montré du doigt, l’astre a noirci. Et nos rêves avec.

Aujourd’hui, un autre américain en apporte d’autres. Chris Horner, 41 ans vient de remporter la Vuelta. A part ma petite Reine, encyclopédie des jambes rasées montées sur des machines bicylées, personne ne le connaît. Mais il possède lui aussi, une part d’exceptionnel. Car il est devenu le vainqueur le plus âgé de l’histoire d’un tour majeur. Bien sûr le nom vous dit quelque chose sachant qu’Yvette, homonyme accordéoné, franchouillard et féminin, a parcouru jusqu’à plus souffle les routes de la Grand Boucle. Mais aucune récompense n’est venue honorer ses performances, hormis le maillot à bretelles dont elle était la seule prétendante.

Alors oui, Chris Horner n’est pas connu. Mais, gagnant alerte, il gagne à l’être. Et si l’on accepte le fait que le vélo reste sans doute avec la boxe et la force tranquille le sport le plus exigeant physiquement, la course des sportifs contre la montre du temps qui passe, trouve un espoir inespéré dans la victoire de cet américain au physique de collègue de bureau, fier de sa médaille du travail venue récompenser vingt ans de carrière accroché au même burlingue en aggloméré stratifié.

Oui, pourquoi ne pas imaginer le même destin pour d’autres athlètes ? Après tout, on ne compte plus les analyses psycho-scientifico-sociologiques démontrant comment les générations se rapprochent, comment les grands-mères ressemblent à leurs filles, voire à leurs petites-filles, offrant à «Mamie Nova »une consonance ultra futuriste loin des propriétés transito-digestives des produits laitiers. Il en va de même sur le terrain du sport. L’âge des artères recule à la force des meilleures préparations, de l’optimisation des soins, de la qualité du suivi, toutes ces améliorations qui, dopage ou pas, jouent un rôle clef dans la capacité à durer sur la longueur. Et je ne parle pas que de Rocco Siffredi.

On verra peut-être ainsi Fred Michalak, 36 ans, tenter et réussir la pénalité du titre de champions du monde à Tokyo en 2019. Ou Franck Ribéry  39 ans, tromper le gardien brésilien et emmener la France en finale de la Coupe du monde au Qatar en 2022. On s’exaltera pourquoi pas devant Usain Bolt, qui passera pour la première fois sous les 9.45 sur 100m à l’occasion du meeting de Berlin 2026 et de la célébration de son 40ème anniversaire. Et qui sait si l’on ne se jettera pas les uns sur les autres de joie en voyant Teddy Riner célébrer son 20ème titre de champion du monde à Moscou en 2029 devant ses premiers petits enfants ? Après tout, on dit bien que les champions sont éternels. Il est temps d'avancer un peu sur la distance.

En attendant, et d’autant que, comme le disait Desproges, «l’ibère est rude », on ne peut que se réjouir d’avoir vu notre pionnier américain poussé par des cris d’honneur tout au long des derniers lacets vueltesques.  Il le mérite, et je peux ainsi continuer à rêver moi aussi, quadragénaire avancé, de remettre un short et de retrouver les terrains de rugby comme si les jours n’avaient été que des minutes, les années des semaines et mon corps, le miroir de celui de mon fils. Enfin peut-être pas, 16 ans j’aurais pas l’âge de jouer en équipe 1, ce serait idiot, il faudrait attendre de vieillir un peu.