lundi 18 novembre 2013

Air glaciaire


Ca n’aura échappé à personne, il fait froid. Je me souviens que, petits, nous en profitions pour acheter des cigarettes en chocolat et, par la magie vaporeuse de nos expirations, nous aspirions à passer pour des fumeurs de loin. Sans doute une manière de nous prendre pour des hommes. Ca ne faisait pas marrer nos entraîneurs qui préféraient, en ces successions de plages grelotesques, nous coller des répétitions de plaquages marathonesques et nous rappeler que l’être était bien plus important que le paraître.

Il fait froid et, si l’on espère trouver samedi contre l’Afrique du Sud le bouton du chauffage dans le vestiaire de l’équipe de France de rugby, l’air est glaciaire pour les footballeurs français à l’heure même d’attraper la queue du mickey brésilien et de gagner un tour gratuit vers les mini-shorts et les dingos de futebol.

En vente sur Le Bon Coin, mise à prix 1€, l’association Loi 2013 de défense de Patrice Evra tire la bourre au Président tricolore dans les sondages et il n’est pas sûr qu’ils perdent sur les résultats de novembre, surtout s’ils ne gagnent pas ce mardi soir. Par ailleurs, s’ils comptent sur une faiblesse des descendants de cosaques qui jouaient au foot au 17ème siècle, pieds nus dans la neige avec la tête de leurs ennemis, ils risquent de finir cons et gelés.

Ceci dit, via tout ce qui compte comme media aux lames affûtées et à l'affût d’une larme de fond, on les entend «surmotivés », «conscients de leur devoir », «quasi prêts à mourir sur le terrain »… on est passé à l’arme droite pour éviter de passer l’arme à gauche et ça ferait presque du bien si l’on avait encore une once de considération pour leurs considérations. Je retiendrais peut-être cette remarque, poussée dans un souffle par Olivier Giroud «j’en ai assez de parler, je voudrais que le match soit dans une heure et le faire ». Mais avant l’heure c’est pas l’heure, ça m’inquiète quand même …

Durant le match en Ukraine, les gros plans sur joueurs français dépités et joueurs ukrainiens habités m’auront permis de remarquer que les joueurs tricolores ont des tailles capillaires plus travaillées que leurs adversaires du soir. Mais le bonheur n’est ni dans le spray ni dans l’apprêt, il sera seulement dans l’après, celui qui mène à la plus belle des coupes, la brésilienne, du monde en l’occurrence.
Alors si l’être est bien plus important que le paraître qu’ils se fassent peut-être des têtes d'Attila, mais surtout qu'ils démontent les ukrainiens un par un et que l'herbe du Stade de France ne repousse plus. Sinon ils pourront toujours fumer des clopes en chocolat pendant le long hiver qu’ils traverseront. Mais ça n’en fera pas des hommes.

vendredi 15 novembre 2013

All of fame


Alors qu’en ce week-end du 11 novembre, l’Histoire tricolore se manifestait Porte de Versailles par le lancement du Salon du Made In France, je me demandais si pour un rugbyman local cela pouvait constituer un crime de lèse majesté que d’avoir comme rêve ultime de porter le maillot noir des rois All Blacks.

Samedi 9 novembre 2013, la France défie la Nouvelle Zélande dans sa maison du SDF deux ans après la finale perdue à Auckland pour le titre de champion du monde. La Marseillaise chantée à pleins poumons, j’attends de vivre pour la énième fois le Haka, ce rite local devenu coutume internationale. Depuis 1905, les All Blacks ont rendu célèbre cette danse-chantée maorie interprétée traditionnellement à l'occasion de cérémonies, de fêtes de bienvenue, ou avant de partir au combat.

De guerre, on en parle beaucoup en cette soirée automnale, puisque l’on commémore les 18 000 soldats néo-zélandais, tombés sur le sol français durant le conflit de 14-18, et notamment les 13 membres de l’équipe nationale de l’époque dont le premier capitaine emblématique, Dave Gallaher. Le trophée qui porte aujourd’hui son nom et qui récompense le gagnant de chaque rencontre entre les bleus et les blacks, rappelle que des hommes du bout du monde ont donné leurs vies pour des hommes du bout de nos rues. Ce soir ce sera donc la version impressionnante du Haka qui sera livrée, le Kapa o Pango, réservée au choix du capitaine, car le moment est exceptionnel.

Alors que les traditionnels abrutis que les portiques de sécurité n’arrivent toujours pas à filtrer balancent comme des bœufs de leurs places bien planqués leurs sifflets déplacés, je comprends le choix de McCaw. Pour les néo-zélandais c’est l’occasion unique de célébrer leurs grands anciens, maoris ou non, tous ceux qui ont fait la fierté du «pays du long nuage blanc » et démontrer qu’ils sont une seule et même nation, qu'ils peuvent communier ensemble autour d’une histoire commune et souffler l’esprit de leurs aïeuls respectifs comme un seul homme, all blacks. A cet instant, le Salon du Made in France est bien loin de ces men in black et je défie quiconque est dans le stade, de ne pas rêver de danser à leurs côtés.

Je me demande ce que Basile, 4 ans, à côté de moi, saisit de tout cela. C’est son premier match de rugby et il ne le sait pas encore mais plus tard il comprendra que ce moment était rare. Pour l’heure, il s’ébahit de la ferveur du «chant des français » et de la fièvre de la «danse des tout noirs ». Lui, le fan de hand et de Mikkel Handsen, cherche le «gardien dans les buts » et se demande ce que les joueurs peuvent bien «manger dans leurs bouches », riant de toutes ses dents de lait à la beauté d’un plaquage ou d’un ballon volant. Petit à petit, il s’imprègne du caractère du jeu, il voit les «cabanes » quand on fait tomber la balle et se demande «pourquoi ils n’envoient pas le ballon devant pour aller plus vite »; il sent la richesse de ce jeu. J’espère qu’il en ressent aussi, ce soir, le trésor de l’Histoire qu’il porte, les valeurs qu’il transmet, le respect d’hommes qui s’affrontent pour se confronter, rendent des comptes pour se rencontrer et rappellent que le combat, aujourd’hui, n’est plus la guerre dans nos pays, qu’il ne fait plus pleurer les yeux des enfants et qu’au contraire, il peut les faire briller, tard dans la nuit, comme ceux de Basile.

lundi 4 novembre 2013

Marathomme

Temps divers ce WE à Paris avec pluie et bourrasques samedi, suivies, le dimanche, d’un soleil à rêver d’un monde nouveau, comme un corsaire sur les plages de Saint Malo. En raccourci, ce que les organisateurs du marathon de New-York ont pu penser, à Staten Island, au départ de cette 43ème édition qui donc, soit dit en passant, aurait dû être la 44ème si Sandy, sadique en passant n’avait pas noyé l’an passé ce rêve annuel pour des milliers de bipèdes shortifiés.

Car le cœur d’un marathonien a ses raisons que l’oraison ignore et l’ouragan de pleurs a fait place à une tornade de joies lancée vers cette terre à chaque fois redécouverte des 42,195kms comptant double cette année, faisant chuter tous les records de l’épreuve et donnant les preuves qu’il ne faut jamais abandonner, une façon de marquer le lien fort qui unit cette épreuve avec la nation du «Sky is the limit » et de sa bannière étoilée.

Tomber peut-être, mais toujours se relever. Ecrire des histoires de résurrections, de reconstructions, de nouveaux départs. Celle de Sugar Ray Robinson contre Randy Turpin en 1951, celle, plus proche, de  Tiger Woods détenteur à nouveau de sa green card mais aussi de Thierry, mon boucher, reprenant les longueurs de bassins après un arrêt forcé dû à la livraison inattendue d’une estafette Conforama. L’histoire du sport, de ceux qui le pratiquent, un matin ou chaque matin, l’histoire de la vie.

Dans son malheur et ceux de milliers de personnes se retrouvant sans défi ou sans abri pour les plus malchanceux, la dernière édition de l’événement new-yorkais a écrit une nouvelle page de la philosophie du «Never give up ». Et c’est un bel hommage à cette course au bonheur si l’on repense que Phidippidès, premier «vainqueur » de l’histoire, en est mort, et que s’il y a eu résurrection, elle s’est passée ailleurs. Mais un marathonien n’est pas un Homme comme un autre. Qu’il vise le temps ou la distance, il sait qu’il lui faudra passer par la patience et la mesure d’un effort exceptionnel, et qu’à ces conditions, la ligne se franchit toujours. Comme à New York en cet après midi de novembre.

En attendant de préparer une seconde fois le marathon de Paris, j’attends sur la plage de pouvoir prendre moi aussi un bateau et d’embarquer vers des territoires inédits espérant cette fois-ci, et contrairement à ma dernière édition, que je ne la courrais pas seul et que je pourrais emmener avec moi tous mes rêves de renouveau pour me donner la force de passer le mur que j’entrevoie et qui, au-delà du chronomètre, sera celui ouvert vers une nouvelle vie, celle qui offre un jour la récompense à ceux qui sont tombés mais se sont à chaque fois relevés, de courir vers le bonheur.