lundi 16 décembre 2013

Boxing king

Berlusconi s’est fait entarter, et c’était moins sucré qu’avec Noël Godin. Cela m’a toutefois rappelé un gala de boxe où je me suis rendu la semaine dernière. Les combats étaient remarquables mais c’est Jean-Paul Belmondo qui m’aura marqué.

Un peu de façon imprévue je me retrouvais donc au Cirque d’hiver, entre Bastille et République, invité par Pascal, mon vieil ami toulonnais. En fait de toulonnais, j’y retrouvais aussi le grand Manu et le souvenir d’avoir assisté à mon dernier combat de boxe lors d’un quelconque meeting sur le port du Mourillon dans les années 80. A cette époque, on voyait plus souvent les boxeurs et leur entourage au stade Mayol, pour les grosses affiches type Stade Toulousain, Agen ou le costaud Narbonne d’alors, cher à mon autre ami Philippe. C’était pittoresque.

En fait, un public de boxe, c’est toujours pittoresque. Ceux qui pratiquent, ceux qui supportent, ceux qui s’encanaillent, ceux qui se montrent, ceux qui roulent des biceps, ceux qui ne reviendront pas, et tous les autres, en passant par celui qui montre sa dernière conquête.

Au milieu de tous, entre Michel Acariès et Gérard Darmon, juste avant le tout premier combat, Jean-Paul Belmondo est arrivé, belle gueule, sourire aux lèvres et chemise ouverte sur l’oxygène des gants de cuir. Comme un jeune homme. M'est alors revenu ce souvenir d'enfance lorsque, à ma mère qui me questionnait sur mon avenir professionnel je répondais : « je veux faire Jean-Paul Belmondo ». Vivre comme lui en grimpant partout, en balançant une grande tirade et des grandes poires, en ayant au bras musclé les plus belles femmes, en vivant à cent à l’heure et devenant le pote du monde entier. Il était là, sous mes yeux et je ne l'ai pas lâché. Durant deux heures, il n'aura rien raté, s’émerveillant du jeune Ahmed stylé, du petit taureau Rachid ou de Karl le surpuissant. Il semblait être là où il fallait qu'il soit, vivant, au plus près du combat. A quoi pensait-il ?

A la fin du meeting, nous l’avons vu sortir avec peine de l’enceinte, s’appuyant sur des cannes mais fier et heureux. Parfois, dans la vie comme dans un gala de boxe, certains tombent et d’autres restent debout, certains brillent et d’autres galèrent, quelques-uns sont beaux et doués tandis que beaucoup d’autres, sans génie, doivent garder courage. Peut-être pensait-il à cela et que jusqu’à ce qu’il tombe une dernière fois, sous le coup du sort, un grand boxeur reste toujours un grand boxeur s’il se bat jusqu’au bout.

Je n’ai pas « fait Jean-Paul Belmondo » mais j’aimerais, lorsque j’aurai son âge, avoir le même sourire que le sien, sur mes lèvres, à la sortie d’un gala de boxe.

dimanche 8 décembre 2013

Un homme, une voie


C’est mon premier footing depuis la mort de Nelson Mandela. Une course après en quelque sorte. 46664 dixièmes de secondes pour refaire le parcours d’un combattant de la paix. Tout est signifiant dans Paris ce soir. La nuit comme une couleur, les lumières comme des issues, l’isolement comme une douleur, l’effort humain comme un passage. A la place de clichés ce sont des instantanés d’héroïsme et de courage qui reviennent à l’ex Prix Nobel.  J’enchaîne les pas et je tente de retrouver son empreinte, créditée pour le compte de ma vie.

Place de la Bastille. Double événement en 1994. Un grand pas pour l’humanité avec l’élection d’un premier Président de la République sud-africaine, Madiba, un premier pas pour ma paternité, avec l’irruption d’un premier résident dans ma vie privée, ma Juliette. Une année de sens, d’espérances, de vie nouvelle, qui verra, en fin, Nelson Mandela, revêtu du maillot des Springboks, symbole de la puissance afrikaner, remettre la Coupe du monde de rugby à son capitaine François Pienaar, le monde entier se mettre à rêver que les valeurs de ce sport vont pouvoir jouer un rôle dans l’unité d’un pays entier, tandis que, vêtu de je ne sais plus quel oripeau, signe de mon insouciance vestimentaire, je remets ma fille sur ses pieds pour lui inculquer les valeurs de toujours se relever quand on apprend à marcher, me mettant à rêver que je peux jouer un rôle dans la construction d’un enfant tout entier. Il avait raison, A winner is a dreamer who never gives up.

Rue du 4 septembre. 1999, ma vie professionnelle bascule. Le rugby s’arrête pour de bon, le professionnalisme ne sera pas pour moi. Trop vieux. Trop usé. Il faut trouver une nouvelle aventure. Ce sera Internet, la station Sentier et la liberté de surfer pour prendre le bon chemin. Je me rappelle avoir vu dans un bar, un soir alors que je me demandais si j’avais fait le bon choix et que le serveur ne me l'avait pas laissé quant au format de ma pinte, l’information annonçant que Nelson Mandela ne serait pas candidat à un second mandat. Trop vieux. Trop usé. Je me rappelle le courage que cela m’avait donné alors, me disant que pour d’autres tâches je ne pouvais pas être trop vieux, trop usé, quand cet homme allait repartir se battre contre le Sida, favoriser l’éducation et entretenir le devoir de mémoire. Qu’il y avait un temps pour chaque chose certes, mais que chacune d’elles pouvait être importante, qu’il n’y avait pas de fin, que l'on pouvait rester affamé, qu’il n’y avait que des projets à mener, des combats à gagner. Sans crainte. Il avait raison, May your choices reflect your hopes, not your fears.

Place Jeanne d’Arc. Je n'ai jamais eu d'idole. Même à l'époque ingrate de cordes vocales dissonantes cachées derrière six autres électriques pour ressembler à Johnny Marr ou Robert Smith ; même à celle des premières sélections qui ouvrent les terrains des possibles vers la succession rêvée d'un Didier Codorniou ou d'un Philippe Sella ; même à celle où l'on ressent un matin, que le sens de ce que l'on fera devient l’essence de ce que l'on sera et qu’à tort ou à raison, par idéal ou par besoin, un Che ou un Steve peuvent indiquer la route. Non, à aucun moment de ma vie je n’ai eu ce désir absolu de tatouer sur ma peau, le portrait d’un homme ou d’une femme porte drapeau. Mais l’exemplarité reste le pilier fondamental de l’évolution. Alors, comment ne pas s’appuyer sur l’héritage de cet humain exceptionnel qui a su comprendre les autres pour devenir lui-même, scander sans relâche one man, one vote pour devenir un homme, une voie et affirmer avec raison, It always seems impossible until it’s done ?


Tandis que je termine avec fatigue ma course contre la montre, je mesure avec respect sa course contre les monstres. Je passe devant le Petit Marcel où bientôt je viendrai déjeuner avec ma petite Charlotte et mon déjà grand Antoine. Si la première ne manquera pas de me détailler, les yeux brillant, le dernier conte de fée cinématographié, ce sera aussi l'occasion d'évoquer avec mon fils l’histoire extraordinaire de Madiba, en attaquant par la séquence rugby. Il connaît l’histoire de la Coupe du Monde 95 et je sais qu'il me dira que les français comme les all blacks ont été sacrifiés pour l’atteinte d’une victoire plus importante, celle d’un homme qui voulait faire d’un pays une nation arc en ciel. Je lui répondrai alors que je n’en sais rien, que ce qui se passe dans un vestiaire est un secret à jamais mais que parfois il faut savoir ne retenir que les histoires essentielles, celles qui commencent par «Il était une foi ». Et sa soeur, 8 ans, lui dira que j’ai raison.