mardi 11 mars 2014

L'essence de l'amitié

On a tous un plus ancien ami. Et distinct d’un premier amour, la vie lui a souvent laissé le temps de nous rapprocher. Avec Julien, Olivier est au moins celui-là. Nés à 15 jours d’intervalle, en voilà maintenant près de 6 000 que l’essence des maux partagés et l’éclat des joies offertes nous ont donné à chacun des raisons de penser que nous sommes bien plus que cela. Malgré nos différences.  
Olivier jouait devant, 3ème ligne, quand je cherchais à la franchir par l’arrière. Il organise sa vie, avec assiduité quand je la laisse m’emporter, avec volupté. C’est un homme de business quand je suis un garçon romantique. Il a toujours préféré les blondes rafraîchissantes quand je succombais aux suaves guiness. Il ne montre rien, retient ses aspirations quand j’ouvre ma chemise et cherche des respirations.
Il y a 20 ans nous sommes « montés » à Paris ensemble, lui au Racing et moi au PUC, comme par hasard … Le rugby a perdu de son importance dans nos quotidiens, les liens se sont quelque peu relâchés, les rencontres se concentrant sur les mariages, les naissances et, malheureusement, nos pertes respectives et si semblables, de parents les plus proches. On a fait, en parallèle, le tour de la vie en quelques années. Le tour de nos vies aussi. Et nous entamons chacun, au même moment, comme s’il fallait toujours que nous ayons toujours 15 jours d’écart, un nouveau cycle. Comme s’il fallait que nos destins nous rassemblent, et se ressemblent. Malgré nos différences.
Durant toutes ces années j’ai senti que nous avions un commun, quelque chose du domaine de la fraternité, qui ne s’explique pas, qui ne se décrète pas. Je le sentais, sur le terrain puis dans les matchs de nos vies, à chaque essai, chaque mêlée, chaque placage, chaque course, chaque blessure, chaque remplacement … Aujourd’hui je le sais. Je l’ai vu.
« C’est beau cette photo. C’est de qui ? » « C’est de moi. ». Il y a quelques années, alors que je dirigeais le développement d’un opérateur telecom, Olivier avait découvert que je pouvais faire du business. Il y a quelques semaines, avec une question banale, j’ai découvert qu’il pouvait montrer ses sentiments, avec un art original. Je ne sais qui a été le plus surpris mais j’ai compris que c’était sur ce point, exprimé là par des pixels, que nous avions construit notre amitié, partie d’une balle ovale pour tourner rond autour du monde. Sans le savoir. Malgré nos différences.
J’ai le projet un jour - « un de plus sur le barbecue » comme le dirait ma lectrice préférée - d’éditer un livre avec ses photos, que je commenterais. Sans doute, comme ce post, n'intéressera-t-il que nos proches, ceux qui nous aiment. Sans doute ne l'éditerons-nous que pour leur offrir. Sans doute semblera-t-il, comme ce post, bien ordinaire. Mais peut-être que quelques uns, comme dans ce post, retrouveront-ils des morceaux de leur vie, d’une amitié extraordinaire. Et peut-être qu'ainsi nous nous sentirons proches ensemble car nous aurons découvert que nous avons ce commun, celui de n’avoir finalement qu’une seule envie, un seul besoin, montrer, avec ce que nous sommes, comment la vie est belle. Grâce à nos différences.

lundi 20 janvier 2014

Tattoo compris

Nous avons déjà sur ce blog, passé au peigne fin les tendances capillicultrices des joueurs de foot qui, depuis les années 70 et le mulet, donnent comme des ânes aux collections Panini des airs de catalogue des tendances du salon Jules Rimet (1998, avenue de la Coupe du monde, Paris 11). Avec le retour de Cissé dans le championnat français, ce sont encore les corps des fous de balle qui attirent mon attention, Cissé, qui revient en bleu à Bastia pour tenter de retrouver les Bleus à Bahia mais qui est déjà champion du monde dans sa catégorie, celle des vrais, des durs, des tatoués. Et sur le terrain « du définitif sur du provisoire » comme le dit Pascal Tourain, les footballeurs ne sont pas les seuls sportifs concernés.

Tout, en fait, aura commencé avec les sports nautiques puisque ce sont les marins qui seront les premiers passés de l’ancre à l’encre, jetant la première en Chine pour en ramener la deuxième et faire de leurs corps des albums photos avant l’heure, où les prénoms et les visages des jeunes filles laissées à terre croisaient ceux de celles rencontrées en mer. Depuis, dans leur sillage, les tattoos ont fleuri. Un rite pour certains, un symbole d’appartenance ou un art pour d’autres, une énorme connerie parfois pour quelques noctambules, perdants d’un pari débile et se retrouvant chez Tattoo Boutic au petit matin, la tête dans le cul et un aigle dans le dos.

Côté sportifs j’ai souvenir de Dennis Rodman, pivot légendaire des Pistons et des Bulls, reconnu tout autant pour ses qualités de rebondeur que pour ses quantités de couleurs (de tatouages comme de coiffures d’ailleurs). Un esprit ceint dans un corps-dessins qui exposaient ses amours et ses états d’âmes au fur et à mesure qu’il enchaînait les saisons NBA et qui dernièrement aura surtout laissé comme trace indélébile une tournée débile en Corée du Nord enrobée de déclarations qui ne le sont pas moins. En attendant, il aura porté au devant de la scène télévisuelle internationale sa peau de vrai dur plus qu’aucun autre athlète avant lui, et lancé l’idée que oui, les sportifs sont aussi des rock stars.

Mais j’aimerais m’attarder un peu sur le rugby car j’ai un peu de mal à comprendre les symboles maoris ou tribaux de plus en plus nombreux sur les corps de poulets blanchâtres de nos joueurs de terroir tricolores. Certes, avec les anglais, les marins français ont su ramener dans leur paquetage ces images rituelles de solides gaillards décorés de l’hémisphère-sud. Certes, la France est le second pays supporter des all-blacks quand il ne les rencontre pas. Certes Tahiti est un département français. Certes il n’y pas loin entre le Haka et le Yaka. Mais de là à avoir l’esprit des ancêtres et le Moko* dans la peau !
Si c’est rituel, et au delà du rapport entre nos religions monothéistes et l’adoration des Olympes locales, quelle est la similitude entre un mode vie basé sur le porté de tongs dans un univers de communautés familiales et notre propension à péter les budgets en fringues dans un monde où les studios et les deux pièces font le bonheur des agences immobilières ?
Si c’est le sentiment d’appartenance, j’aimerais, sans remonter jusqu'à Néandertal, connaître l’ancêtre commun de Ma’a Nonu et de Sébastien Chabal, ou encore le lien entre la patate douce et la pomme de terre. A moins de chercher du côté du barbecue ou de la propension à la bagarre pour un oui ou pour un nom je ne vois pas.

Non, je sais. Nos rugbymen français tatoués genre bout du monde sont des artistes en fait, c’est ça. Ca ne peut qu’être ça. Ou plutôt des œuvres d’art sur crampons, des galeries ethniques du Louvre, des expositions universelles télévisées. Et ils vont chercher cet art là d’où il vient, voilà. Mais c’est dommage, ils pourraient faire local. Alors évidemment, c’est moins glamour d’avoir sur le corps un coq les pieds dans la merde hurlant au soleil, qu’un nappage soyeux de symboles tribaux venus du bout du temps. Mais pourquoi ne pas voir devant au lieu de regarder derrière ? Pourquoi ne pas mettre les prénoms de nos enfants plutôt que le souvenir de leurs ancêtres ? J’aime bien cette idée. Allez, j’y vais, dans le sport il faut savoir donner l’exemple.
* Moko : tatouage rituel sur le visage ou le corps d'un guerrier ou d'une femme, qui indiquait son rang et ses pouvoirs.

lundi 16 décembre 2013

Boxing king

Berlusconi s’est fait entarter, et c’était moins sucré qu’avec Noël Godin. Cela m’a toutefois rappelé un gala de boxe où je me suis rendu la semaine dernière. Les combats étaient remarquables mais c’est Jean-Paul Belmondo qui m’aura marqué.

Un peu de façon imprévue je me retrouvais donc au Cirque d’hiver, entre Bastille et République, invité par Pascal, mon vieil ami toulonnais. En fait de toulonnais, j’y retrouvais aussi le grand Manu et le souvenir d’avoir assisté à mon dernier combat de boxe lors d’un quelconque meeting sur le port du Mourillon dans les années 80. A cette époque, on voyait plus souvent les boxeurs et leur entourage au stade Mayol, pour les grosses affiches type Stade Toulousain, Agen ou le costaud Narbonne d’alors, cher à mon autre ami Philippe. C’était pittoresque.

En fait, un public de boxe, c’est toujours pittoresque. Ceux qui pratiquent, ceux qui supportent, ceux qui s’encanaillent, ceux qui se montrent, ceux qui roulent des biceps, ceux qui ne reviendront pas, et tous les autres, en passant par celui qui montre sa dernière conquête.

Au milieu de tous, entre Michel Acariès et Gérard Darmon, juste avant le tout premier combat, Jean-Paul Belmondo est arrivé, belle gueule, sourire aux lèvres et chemise ouverte sur l’oxygène des gants de cuir. Comme un jeune homme. M'est alors revenu ce souvenir d'enfance lorsque, à ma mère qui me questionnait sur mon avenir professionnel je répondais : « je veux faire Jean-Paul Belmondo ». Vivre comme lui en grimpant partout, en balançant une grande tirade et des grandes poires, en ayant au bras musclé les plus belles femmes, en vivant à cent à l’heure et devenant le pote du monde entier. Il était là, sous mes yeux et je ne l'ai pas lâché. Durant deux heures, il n'aura rien raté, s’émerveillant du jeune Ahmed stylé, du petit taureau Rachid ou de Karl le surpuissant. Il semblait être là où il fallait qu'il soit, vivant, au plus près du combat. A quoi pensait-il ?

A la fin du meeting, nous l’avons vu sortir avec peine de l’enceinte, s’appuyant sur des cannes mais fier et heureux. Parfois, dans la vie comme dans un gala de boxe, certains tombent et d’autres restent debout, certains brillent et d’autres galèrent, quelques-uns sont beaux et doués tandis que beaucoup d’autres, sans génie, doivent garder courage. Peut-être pensait-il à cela et que jusqu’à ce qu’il tombe une dernière fois, sous le coup du sort, un grand boxeur reste toujours un grand boxeur s’il se bat jusqu’au bout.

Je n’ai pas « fait Jean-Paul Belmondo » mais j’aimerais, lorsque j’aurai son âge, avoir le même sourire que le sien, sur mes lèvres, à la sortie d’un gala de boxe.

dimanche 8 décembre 2013

Un homme, une voie


C’est mon premier footing depuis la mort de Nelson Mandela. Une course après en quelque sorte. 46664 dixièmes de secondes pour refaire le parcours d’un combattant de la paix. Tout est signifiant dans Paris ce soir. La nuit comme une couleur, les lumières comme des issues, l’isolement comme une douleur, l’effort humain comme un passage. A la place de clichés ce sont des instantanés d’héroïsme et de courage qui reviennent à l’ex Prix Nobel.  J’enchaîne les pas et je tente de retrouver son empreinte, créditée pour le compte de ma vie.

Place de la Bastille. Double événement en 1994. Un grand pas pour l’humanité avec l’élection d’un premier Président de la République sud-africaine, Madiba, un premier pas pour ma paternité, avec l’irruption d’un premier résident dans ma vie privée, ma Juliette. Une année de sens, d’espérances, de vie nouvelle, qui verra, en fin, Nelson Mandela, revêtu du maillot des Springboks, symbole de la puissance afrikaner, remettre la Coupe du monde de rugby à son capitaine François Pienaar, le monde entier se mettre à rêver que les valeurs de ce sport vont pouvoir jouer un rôle dans l’unité d’un pays entier, tandis que, vêtu de je ne sais plus quel oripeau, signe de mon insouciance vestimentaire, je remets ma fille sur ses pieds pour lui inculquer les valeurs de toujours se relever quand on apprend à marcher, me mettant à rêver que je peux jouer un rôle dans la construction d’un enfant tout entier. Il avait raison, A winner is a dreamer who never gives up.

Rue du 4 septembre. 1999, ma vie professionnelle bascule. Le rugby s’arrête pour de bon, le professionnalisme ne sera pas pour moi. Trop vieux. Trop usé. Il faut trouver une nouvelle aventure. Ce sera Internet, la station Sentier et la liberté de surfer pour prendre le bon chemin. Je me rappelle avoir vu dans un bar, un soir alors que je me demandais si j’avais fait le bon choix et que le serveur ne me l'avait pas laissé quant au format de ma pinte, l’information annonçant que Nelson Mandela ne serait pas candidat à un second mandat. Trop vieux. Trop usé. Je me rappelle le courage que cela m’avait donné alors, me disant que pour d’autres tâches je ne pouvais pas être trop vieux, trop usé, quand cet homme allait repartir se battre contre le Sida, favoriser l’éducation et entretenir le devoir de mémoire. Qu’il y avait un temps pour chaque chose certes, mais que chacune d’elles pouvait être importante, qu’il n’y avait pas de fin, que l'on pouvait rester affamé, qu’il n’y avait que des projets à mener, des combats à gagner. Sans crainte. Il avait raison, May your choices reflect your hopes, not your fears.

Place Jeanne d’Arc. Je n'ai jamais eu d'idole. Même à l'époque ingrate de cordes vocales dissonantes cachées derrière six autres électriques pour ressembler à Johnny Marr ou Robert Smith ; même à celle des premières sélections qui ouvrent les terrains des possibles vers la succession rêvée d'un Didier Codorniou ou d'un Philippe Sella ; même à celle où l'on ressent un matin, que le sens de ce que l'on fera devient l’essence de ce que l'on sera et qu’à tort ou à raison, par idéal ou par besoin, un Che ou un Steve peuvent indiquer la route. Non, à aucun moment de ma vie je n’ai eu ce désir absolu de tatouer sur ma peau, le portrait d’un homme ou d’une femme porte drapeau. Mais l’exemplarité reste le pilier fondamental de l’évolution. Alors, comment ne pas s’appuyer sur l’héritage de cet humain exceptionnel qui a su comprendre les autres pour devenir lui-même, scander sans relâche one man, one vote pour devenir un homme, une voie et affirmer avec raison, It always seems impossible until it’s done ?


Tandis que je termine avec fatigue ma course contre la montre, je mesure avec respect sa course contre les monstres. Je passe devant le Petit Marcel où bientôt je viendrai déjeuner avec ma petite Charlotte et mon déjà grand Antoine. Si la première ne manquera pas de me détailler, les yeux brillant, le dernier conte de fée cinématographié, ce sera aussi l'occasion d'évoquer avec mon fils l’histoire extraordinaire de Madiba, en attaquant par la séquence rugby. Il connaît l’histoire de la Coupe du Monde 95 et je sais qu'il me dira que les français comme les all blacks ont été sacrifiés pour l’atteinte d’une victoire plus importante, celle d’un homme qui voulait faire d’un pays une nation arc en ciel. Je lui répondrai alors que je n’en sais rien, que ce qui se passe dans un vestiaire est un secret à jamais mais que parfois il faut savoir ne retenir que les histoires essentielles, celles qui commencent par «Il était une foi ». Et sa soeur, 8 ans, lui dira que j’ai raison.

lundi 18 novembre 2013

Air glaciaire


Ca n’aura échappé à personne, il fait froid. Je me souviens que, petits, nous en profitions pour acheter des cigarettes en chocolat et, par la magie vaporeuse de nos expirations, nous aspirions à passer pour des fumeurs de loin. Sans doute une manière de nous prendre pour des hommes. Ca ne faisait pas marrer nos entraîneurs qui préféraient, en ces successions de plages grelotesques, nous coller des répétitions de plaquages marathonesques et nous rappeler que l’être était bien plus important que le paraître.

Il fait froid et, si l’on espère trouver samedi contre l’Afrique du Sud le bouton du chauffage dans le vestiaire de l’équipe de France de rugby, l’air est glaciaire pour les footballeurs français à l’heure même d’attraper la queue du mickey brésilien et de gagner un tour gratuit vers les mini-shorts et les dingos de futebol.

En vente sur Le Bon Coin, mise à prix 1€, l’association Loi 2013 de défense de Patrice Evra tire la bourre au Président tricolore dans les sondages et il n’est pas sûr qu’ils perdent sur les résultats de novembre, surtout s’ils ne gagnent pas ce mardi soir. Par ailleurs, s’ils comptent sur une faiblesse des descendants de cosaques qui jouaient au foot au 17ème siècle, pieds nus dans la neige avec la tête de leurs ennemis, ils risquent de finir cons et gelés.

Ceci dit, via tout ce qui compte comme media aux lames affûtées et à l'affût d’une larme de fond, on les entend «surmotivés », «conscients de leur devoir », «quasi prêts à mourir sur le terrain »… on est passé à l’arme droite pour éviter de passer l’arme à gauche et ça ferait presque du bien si l’on avait encore une once de considération pour leurs considérations. Je retiendrais peut-être cette remarque, poussée dans un souffle par Olivier Giroud «j’en ai assez de parler, je voudrais que le match soit dans une heure et le faire ». Mais avant l’heure c’est pas l’heure, ça m’inquiète quand même …

Durant le match en Ukraine, les gros plans sur joueurs français dépités et joueurs ukrainiens habités m’auront permis de remarquer que les joueurs tricolores ont des tailles capillaires plus travaillées que leurs adversaires du soir. Mais le bonheur n’est ni dans le spray ni dans l’apprêt, il sera seulement dans l’après, celui qui mène à la plus belle des coupes, la brésilienne, du monde en l’occurrence.
Alors si l’être est bien plus important que le paraître qu’ils se fassent peut-être des têtes d'Attila, mais surtout qu'ils démontent les ukrainiens un par un et que l'herbe du Stade de France ne repousse plus. Sinon ils pourront toujours fumer des clopes en chocolat pendant le long hiver qu’ils traverseront. Mais ça n’en fera pas des hommes.

vendredi 15 novembre 2013

All of fame


Alors qu’en ce week-end du 11 novembre, l’Histoire tricolore se manifestait Porte de Versailles par le lancement du Salon du Made In France, je me demandais si pour un rugbyman local cela pouvait constituer un crime de lèse majesté que d’avoir comme rêve ultime de porter le maillot noir des rois All Blacks.

Samedi 9 novembre 2013, la France défie la Nouvelle Zélande dans sa maison du SDF deux ans après la finale perdue à Auckland pour le titre de champion du monde. La Marseillaise chantée à pleins poumons, j’attends de vivre pour la énième fois le Haka, ce rite local devenu coutume internationale. Depuis 1905, les All Blacks ont rendu célèbre cette danse-chantée maorie interprétée traditionnellement à l'occasion de cérémonies, de fêtes de bienvenue, ou avant de partir au combat.

De guerre, on en parle beaucoup en cette soirée automnale, puisque l’on commémore les 18 000 soldats néo-zélandais, tombés sur le sol français durant le conflit de 14-18, et notamment les 13 membres de l’équipe nationale de l’époque dont le premier capitaine emblématique, Dave Gallaher. Le trophée qui porte aujourd’hui son nom et qui récompense le gagnant de chaque rencontre entre les bleus et les blacks, rappelle que des hommes du bout du monde ont donné leurs vies pour des hommes du bout de nos rues. Ce soir ce sera donc la version impressionnante du Haka qui sera livrée, le Kapa o Pango, réservée au choix du capitaine, car le moment est exceptionnel.

Alors que les traditionnels abrutis que les portiques de sécurité n’arrivent toujours pas à filtrer balancent comme des bœufs de leurs places bien planqués leurs sifflets déplacés, je comprends le choix de McCaw. Pour les néo-zélandais c’est l’occasion unique de célébrer leurs grands anciens, maoris ou non, tous ceux qui ont fait la fierté du «pays du long nuage blanc » et démontrer qu’ils sont une seule et même nation, qu'ils peuvent communier ensemble autour d’une histoire commune et souffler l’esprit de leurs aïeuls respectifs comme un seul homme, all blacks. A cet instant, le Salon du Made in France est bien loin de ces men in black et je défie quiconque est dans le stade, de ne pas rêver de danser à leurs côtés.

Je me demande ce que Basile, 4 ans, à côté de moi, saisit de tout cela. C’est son premier match de rugby et il ne le sait pas encore mais plus tard il comprendra que ce moment était rare. Pour l’heure, il s’ébahit de la ferveur du «chant des français » et de la fièvre de la «danse des tout noirs ». Lui, le fan de hand et de Mikkel Handsen, cherche le «gardien dans les buts » et se demande ce que les joueurs peuvent bien «manger dans leurs bouches », riant de toutes ses dents de lait à la beauté d’un plaquage ou d’un ballon volant. Petit à petit, il s’imprègne du caractère du jeu, il voit les «cabanes » quand on fait tomber la balle et se demande «pourquoi ils n’envoient pas le ballon devant pour aller plus vite »; il sent la richesse de ce jeu. J’espère qu’il en ressent aussi, ce soir, le trésor de l’Histoire qu’il porte, les valeurs qu’il transmet, le respect d’hommes qui s’affrontent pour se confronter, rendent des comptes pour se rencontrer et rappellent que le combat, aujourd’hui, n’est plus la guerre dans nos pays, qu’il ne fait plus pleurer les yeux des enfants et qu’au contraire, il peut les faire briller, tard dans la nuit, comme ceux de Basile.

lundi 4 novembre 2013

Marathomme

Temps divers ce WE à Paris avec pluie et bourrasques samedi, suivies, le dimanche, d’un soleil à rêver d’un monde nouveau, comme un corsaire sur les plages de Saint Malo. En raccourci, ce que les organisateurs du marathon de New-York ont pu penser, à Staten Island, au départ de cette 43ème édition qui donc, soit dit en passant, aurait dû être la 44ème si Sandy, sadique en passant n’avait pas noyé l’an passé ce rêve annuel pour des milliers de bipèdes shortifiés.

Car le cœur d’un marathonien a ses raisons que l’oraison ignore et l’ouragan de pleurs a fait place à une tornade de joies lancée vers cette terre à chaque fois redécouverte des 42,195kms comptant double cette année, faisant chuter tous les records de l’épreuve et donnant les preuves qu’il ne faut jamais abandonner, une façon de marquer le lien fort qui unit cette épreuve avec la nation du «Sky is the limit » et de sa bannière étoilée.

Tomber peut-être, mais toujours se relever. Ecrire des histoires de résurrections, de reconstructions, de nouveaux départs. Celle de Sugar Ray Robinson contre Randy Turpin en 1951, celle, plus proche, de  Tiger Woods détenteur à nouveau de sa green card mais aussi de Thierry, mon boucher, reprenant les longueurs de bassins après un arrêt forcé dû à la livraison inattendue d’une estafette Conforama. L’histoire du sport, de ceux qui le pratiquent, un matin ou chaque matin, l’histoire de la vie.

Dans son malheur et ceux de milliers de personnes se retrouvant sans défi ou sans abri pour les plus malchanceux, la dernière édition de l’événement new-yorkais a écrit une nouvelle page de la philosophie du «Never give up ». Et c’est un bel hommage à cette course au bonheur si l’on repense que Phidippidès, premier «vainqueur » de l’histoire, en est mort, et que s’il y a eu résurrection, elle s’est passée ailleurs. Mais un marathonien n’est pas un Homme comme un autre. Qu’il vise le temps ou la distance, il sait qu’il lui faudra passer par la patience et la mesure d’un effort exceptionnel, et qu’à ces conditions, la ligne se franchit toujours. Comme à New York en cet après midi de novembre.

En attendant de préparer une seconde fois le marathon de Paris, j’attends sur la plage de pouvoir prendre moi aussi un bateau et d’embarquer vers des territoires inédits espérant cette fois-ci, et contrairement à ma dernière édition, que je ne la courrais pas seul et que je pourrais emmener avec moi tous mes rêves de renouveau pour me donner la force de passer le mur que j’entrevoie et qui, au-delà du chronomètre, sera celui ouvert vers une nouvelle vie, celle qui offre un jour la récompense à ceux qui sont tombés mais se sont à chaque fois relevés, de courir vers le bonheur.