lundi 16 décembre 2013

Boxing king

Berlusconi s’est fait entarter, et c’était moins sucré qu’avec Noël Godin. Cela m’a toutefois rappelé un gala de boxe où je me suis rendu la semaine dernière. Les combats étaient remarquables mais c’est Jean-Paul Belmondo qui m’aura marqué.

Un peu de façon imprévue je me retrouvais donc au Cirque d’hiver, entre Bastille et République, invité par Pascal, mon vieil ami toulonnais. En fait de toulonnais, j’y retrouvais aussi le grand Manu et le souvenir d’avoir assisté à mon dernier combat de boxe lors d’un quelconque meeting sur le port du Mourillon dans les années 80. A cette époque, on voyait plus souvent les boxeurs et leur entourage au stade Mayol, pour les grosses affiches type Stade Toulousain, Agen ou le costaud Narbonne d’alors, cher à mon autre ami Philippe. C’était pittoresque.

En fait, un public de boxe, c’est toujours pittoresque. Ceux qui pratiquent, ceux qui supportent, ceux qui s’encanaillent, ceux qui se montrent, ceux qui roulent des biceps, ceux qui ne reviendront pas, et tous les autres, en passant par celui qui montre sa dernière conquête.

Au milieu de tous, entre Michel Acariès et Gérard Darmon, juste avant le tout premier combat, Jean-Paul Belmondo est arrivé, belle gueule, sourire aux lèvres et chemise ouverte sur l’oxygène des gants de cuir. Comme un jeune homme. M'est alors revenu ce souvenir d'enfance lorsque, à ma mère qui me questionnait sur mon avenir professionnel je répondais : « je veux faire Jean-Paul Belmondo ». Vivre comme lui en grimpant partout, en balançant une grande tirade et des grandes poires, en ayant au bras musclé les plus belles femmes, en vivant à cent à l’heure et devenant le pote du monde entier. Il était là, sous mes yeux et je ne l'ai pas lâché. Durant deux heures, il n'aura rien raté, s’émerveillant du jeune Ahmed stylé, du petit taureau Rachid ou de Karl le surpuissant. Il semblait être là où il fallait qu'il soit, vivant, au plus près du combat. A quoi pensait-il ?

A la fin du meeting, nous l’avons vu sortir avec peine de l’enceinte, s’appuyant sur des cannes mais fier et heureux. Parfois, dans la vie comme dans un gala de boxe, certains tombent et d’autres restent debout, certains brillent et d’autres galèrent, quelques-uns sont beaux et doués tandis que beaucoup d’autres, sans génie, doivent garder courage. Peut-être pensait-il à cela et que jusqu’à ce qu’il tombe une dernière fois, sous le coup du sort, un grand boxeur reste toujours un grand boxeur s’il se bat jusqu’au bout.

Je n’ai pas « fait Jean-Paul Belmondo » mais j’aimerais, lorsque j’aurai son âge, avoir le même sourire que le sien, sur mes lèvres, à la sortie d’un gala de boxe.

dimanche 8 décembre 2013

Un homme, une voie


C’est mon premier footing depuis la mort de Nelson Mandela. Une course après en quelque sorte. 46664 dixièmes de secondes pour refaire le parcours d’un combattant de la paix. Tout est signifiant dans Paris ce soir. La nuit comme une couleur, les lumières comme des issues, l’isolement comme une douleur, l’effort humain comme un passage. A la place de clichés ce sont des instantanés d’héroïsme et de courage qui reviennent à l’ex Prix Nobel.  J’enchaîne les pas et je tente de retrouver son empreinte, créditée pour le compte de ma vie.

Place de la Bastille. Double événement en 1994. Un grand pas pour l’humanité avec l’élection d’un premier Président de la République sud-africaine, Madiba, un premier pas pour ma paternité, avec l’irruption d’un premier résident dans ma vie privée, ma Juliette. Une année de sens, d’espérances, de vie nouvelle, qui verra, en fin, Nelson Mandela, revêtu du maillot des Springboks, symbole de la puissance afrikaner, remettre la Coupe du monde de rugby à son capitaine François Pienaar, le monde entier se mettre à rêver que les valeurs de ce sport vont pouvoir jouer un rôle dans l’unité d’un pays entier, tandis que, vêtu de je ne sais plus quel oripeau, signe de mon insouciance vestimentaire, je remets ma fille sur ses pieds pour lui inculquer les valeurs de toujours se relever quand on apprend à marcher, me mettant à rêver que je peux jouer un rôle dans la construction d’un enfant tout entier. Il avait raison, A winner is a dreamer who never gives up.

Rue du 4 septembre. 1999, ma vie professionnelle bascule. Le rugby s’arrête pour de bon, le professionnalisme ne sera pas pour moi. Trop vieux. Trop usé. Il faut trouver une nouvelle aventure. Ce sera Internet, la station Sentier et la liberté de surfer pour prendre le bon chemin. Je me rappelle avoir vu dans un bar, un soir alors que je me demandais si j’avais fait le bon choix et que le serveur ne me l'avait pas laissé quant au format de ma pinte, l’information annonçant que Nelson Mandela ne serait pas candidat à un second mandat. Trop vieux. Trop usé. Je me rappelle le courage que cela m’avait donné alors, me disant que pour d’autres tâches je ne pouvais pas être trop vieux, trop usé, quand cet homme allait repartir se battre contre le Sida, favoriser l’éducation et entretenir le devoir de mémoire. Qu’il y avait un temps pour chaque chose certes, mais que chacune d’elles pouvait être importante, qu’il n’y avait pas de fin, que l'on pouvait rester affamé, qu’il n’y avait que des projets à mener, des combats à gagner. Sans crainte. Il avait raison, May your choices reflect your hopes, not your fears.

Place Jeanne d’Arc. Je n'ai jamais eu d'idole. Même à l'époque ingrate de cordes vocales dissonantes cachées derrière six autres électriques pour ressembler à Johnny Marr ou Robert Smith ; même à celle des premières sélections qui ouvrent les terrains des possibles vers la succession rêvée d'un Didier Codorniou ou d'un Philippe Sella ; même à celle où l'on ressent un matin, que le sens de ce que l'on fera devient l’essence de ce que l'on sera et qu’à tort ou à raison, par idéal ou par besoin, un Che ou un Steve peuvent indiquer la route. Non, à aucun moment de ma vie je n’ai eu ce désir absolu de tatouer sur ma peau, le portrait d’un homme ou d’une femme porte drapeau. Mais l’exemplarité reste le pilier fondamental de l’évolution. Alors, comment ne pas s’appuyer sur l’héritage de cet humain exceptionnel qui a su comprendre les autres pour devenir lui-même, scander sans relâche one man, one vote pour devenir un homme, une voie et affirmer avec raison, It always seems impossible until it’s done ?


Tandis que je termine avec fatigue ma course contre la montre, je mesure avec respect sa course contre les monstres. Je passe devant le Petit Marcel où bientôt je viendrai déjeuner avec ma petite Charlotte et mon déjà grand Antoine. Si la première ne manquera pas de me détailler, les yeux brillant, le dernier conte de fée cinématographié, ce sera aussi l'occasion d'évoquer avec mon fils l’histoire extraordinaire de Madiba, en attaquant par la séquence rugby. Il connaît l’histoire de la Coupe du Monde 95 et je sais qu'il me dira que les français comme les all blacks ont été sacrifiés pour l’atteinte d’une victoire plus importante, celle d’un homme qui voulait faire d’un pays une nation arc en ciel. Je lui répondrai alors que je n’en sais rien, que ce qui se passe dans un vestiaire est un secret à jamais mais que parfois il faut savoir ne retenir que les histoires essentielles, celles qui commencent par «Il était une foi ». Et sa soeur, 8 ans, lui dira que j’ai raison.

lundi 18 novembre 2013

Air glaciaire


Ca n’aura échappé à personne, il fait froid. Je me souviens que, petits, nous en profitions pour acheter des cigarettes en chocolat et, par la magie vaporeuse de nos expirations, nous aspirions à passer pour des fumeurs de loin. Sans doute une manière de nous prendre pour des hommes. Ca ne faisait pas marrer nos entraîneurs qui préféraient, en ces successions de plages grelotesques, nous coller des répétitions de plaquages marathonesques et nous rappeler que l’être était bien plus important que le paraître.

Il fait froid et, si l’on espère trouver samedi contre l’Afrique du Sud le bouton du chauffage dans le vestiaire de l’équipe de France de rugby, l’air est glaciaire pour les footballeurs français à l’heure même d’attraper la queue du mickey brésilien et de gagner un tour gratuit vers les mini-shorts et les dingos de futebol.

En vente sur Le Bon Coin, mise à prix 1€, l’association Loi 2013 de défense de Patrice Evra tire la bourre au Président tricolore dans les sondages et il n’est pas sûr qu’ils perdent sur les résultats de novembre, surtout s’ils ne gagnent pas ce mardi soir. Par ailleurs, s’ils comptent sur une faiblesse des descendants de cosaques qui jouaient au foot au 17ème siècle, pieds nus dans la neige avec la tête de leurs ennemis, ils risquent de finir cons et gelés.

Ceci dit, via tout ce qui compte comme media aux lames affûtées et à l'affût d’une larme de fond, on les entend «surmotivés », «conscients de leur devoir », «quasi prêts à mourir sur le terrain »… on est passé à l’arme droite pour éviter de passer l’arme à gauche et ça ferait presque du bien si l’on avait encore une once de considération pour leurs considérations. Je retiendrais peut-être cette remarque, poussée dans un souffle par Olivier Giroud «j’en ai assez de parler, je voudrais que le match soit dans une heure et le faire ». Mais avant l’heure c’est pas l’heure, ça m’inquiète quand même …

Durant le match en Ukraine, les gros plans sur joueurs français dépités et joueurs ukrainiens habités m’auront permis de remarquer que les joueurs tricolores ont des tailles capillaires plus travaillées que leurs adversaires du soir. Mais le bonheur n’est ni dans le spray ni dans l’apprêt, il sera seulement dans l’après, celui qui mène à la plus belle des coupes, la brésilienne, du monde en l’occurrence.
Alors si l’être est bien plus important que le paraître qu’ils se fassent peut-être des têtes d'Attila, mais surtout qu'ils démontent les ukrainiens un par un et que l'herbe du Stade de France ne repousse plus. Sinon ils pourront toujours fumer des clopes en chocolat pendant le long hiver qu’ils traverseront. Mais ça n’en fera pas des hommes.

vendredi 15 novembre 2013

All of fame


Alors qu’en ce week-end du 11 novembre, l’Histoire tricolore se manifestait Porte de Versailles par le lancement du Salon du Made In France, je me demandais si pour un rugbyman local cela pouvait constituer un crime de lèse majesté que d’avoir comme rêve ultime de porter le maillot noir des rois All Blacks.

Samedi 9 novembre 2013, la France défie la Nouvelle Zélande dans sa maison du SDF deux ans après la finale perdue à Auckland pour le titre de champion du monde. La Marseillaise chantée à pleins poumons, j’attends de vivre pour la énième fois le Haka, ce rite local devenu coutume internationale. Depuis 1905, les All Blacks ont rendu célèbre cette danse-chantée maorie interprétée traditionnellement à l'occasion de cérémonies, de fêtes de bienvenue, ou avant de partir au combat.

De guerre, on en parle beaucoup en cette soirée automnale, puisque l’on commémore les 18 000 soldats néo-zélandais, tombés sur le sol français durant le conflit de 14-18, et notamment les 13 membres de l’équipe nationale de l’époque dont le premier capitaine emblématique, Dave Gallaher. Le trophée qui porte aujourd’hui son nom et qui récompense le gagnant de chaque rencontre entre les bleus et les blacks, rappelle que des hommes du bout du monde ont donné leurs vies pour des hommes du bout de nos rues. Ce soir ce sera donc la version impressionnante du Haka qui sera livrée, le Kapa o Pango, réservée au choix du capitaine, car le moment est exceptionnel.

Alors que les traditionnels abrutis que les portiques de sécurité n’arrivent toujours pas à filtrer balancent comme des bœufs de leurs places bien planqués leurs sifflets déplacés, je comprends le choix de McCaw. Pour les néo-zélandais c’est l’occasion unique de célébrer leurs grands anciens, maoris ou non, tous ceux qui ont fait la fierté du «pays du long nuage blanc » et démontrer qu’ils sont une seule et même nation, qu'ils peuvent communier ensemble autour d’une histoire commune et souffler l’esprit de leurs aïeuls respectifs comme un seul homme, all blacks. A cet instant, le Salon du Made in France est bien loin de ces men in black et je défie quiconque est dans le stade, de ne pas rêver de danser à leurs côtés.

Je me demande ce que Basile, 4 ans, à côté de moi, saisit de tout cela. C’est son premier match de rugby et il ne le sait pas encore mais plus tard il comprendra que ce moment était rare. Pour l’heure, il s’ébahit de la ferveur du «chant des français » et de la fièvre de la «danse des tout noirs ». Lui, le fan de hand et de Mikkel Handsen, cherche le «gardien dans les buts » et se demande ce que les joueurs peuvent bien «manger dans leurs bouches », riant de toutes ses dents de lait à la beauté d’un plaquage ou d’un ballon volant. Petit à petit, il s’imprègne du caractère du jeu, il voit les «cabanes » quand on fait tomber la balle et se demande «pourquoi ils n’envoient pas le ballon devant pour aller plus vite »; il sent la richesse de ce jeu. J’espère qu’il en ressent aussi, ce soir, le trésor de l’Histoire qu’il porte, les valeurs qu’il transmet, le respect d’hommes qui s’affrontent pour se confronter, rendent des comptes pour se rencontrer et rappellent que le combat, aujourd’hui, n’est plus la guerre dans nos pays, qu’il ne fait plus pleurer les yeux des enfants et qu’au contraire, il peut les faire briller, tard dans la nuit, comme ceux de Basile.

lundi 4 novembre 2013

Marathomme

Temps divers ce WE à Paris avec pluie et bourrasques samedi, suivies, le dimanche, d’un soleil à rêver d’un monde nouveau, comme un corsaire sur les plages de Saint Malo. En raccourci, ce que les organisateurs du marathon de New-York ont pu penser, à Staten Island, au départ de cette 43ème édition qui donc, soit dit en passant, aurait dû être la 44ème si Sandy, sadique en passant n’avait pas noyé l’an passé ce rêve annuel pour des milliers de bipèdes shortifiés.

Car le cœur d’un marathonien a ses raisons que l’oraison ignore et l’ouragan de pleurs a fait place à une tornade de joies lancée vers cette terre à chaque fois redécouverte des 42,195kms comptant double cette année, faisant chuter tous les records de l’épreuve et donnant les preuves qu’il ne faut jamais abandonner, une façon de marquer le lien fort qui unit cette épreuve avec la nation du «Sky is the limit » et de sa bannière étoilée.

Tomber peut-être, mais toujours se relever. Ecrire des histoires de résurrections, de reconstructions, de nouveaux départs. Celle de Sugar Ray Robinson contre Randy Turpin en 1951, celle, plus proche, de  Tiger Woods détenteur à nouveau de sa green card mais aussi de Thierry, mon boucher, reprenant les longueurs de bassins après un arrêt forcé dû à la livraison inattendue d’une estafette Conforama. L’histoire du sport, de ceux qui le pratiquent, un matin ou chaque matin, l’histoire de la vie.

Dans son malheur et ceux de milliers de personnes se retrouvant sans défi ou sans abri pour les plus malchanceux, la dernière édition de l’événement new-yorkais a écrit une nouvelle page de la philosophie du «Never give up ». Et c’est un bel hommage à cette course au bonheur si l’on repense que Phidippidès, premier «vainqueur » de l’histoire, en est mort, et que s’il y a eu résurrection, elle s’est passée ailleurs. Mais un marathonien n’est pas un Homme comme un autre. Qu’il vise le temps ou la distance, il sait qu’il lui faudra passer par la patience et la mesure d’un effort exceptionnel, et qu’à ces conditions, la ligne se franchit toujours. Comme à New York en cet après midi de novembre.

En attendant de préparer une seconde fois le marathon de Paris, j’attends sur la plage de pouvoir prendre moi aussi un bateau et d’embarquer vers des territoires inédits espérant cette fois-ci, et contrairement à ma dernière édition, que je ne la courrais pas seul et que je pourrais emmener avec moi tous mes rêves de renouveau pour me donner la force de passer le mur que j’entrevoie et qui, au-delà du chronomètre, sera celui ouvert vers une nouvelle vie, celle qui offre un jour la récompense à ceux qui sont tombés mais se sont à chaque fois relevés, de courir vers le bonheur.

lundi 28 octobre 2013

13 à table

Mesdemoiselles, si vous voulez esquisser quelques pas de danse le 1er novembre du côté d’Avignon, sachez que les gabarits que vous y rencontrerez seront sans doute quelque peu éloignés des standards du genre idéal, ce qui ne les empêchera pas de transformer le lieu en cité de l'épate. S’y déroulera en effet un France-Nouvelle-Zélande au cœur de la 13ème Coupe du Monde de Jeu à XIII qui démarre ce WE sur les terres franco-britanniques, et y aura du massif.  Se proposant comme un pont entre le 7 et le 15, et à l’heure où le quinze couvre d’argent tout ce qui se fait de mieux en ovalie tandis que le 7 va se recouvrir d’or olympique, le XIII se cherche une place à la table du rugby international. Mais ce ne sera pas aussi simple qu’une règle de trois.

Le XIII est né en 1895 en Angleterre d’une scission entre les clubs de rugby du nord et ceux du sud, les premiers souhaitant compenser les frais imposés aux joueurs pour la plupart d’origine ouvrière, pour pratiquer, alors que ceux du sud, composés d’universitaires aisés s’y opposaient. Il faut dire qu’à cette époque le rugby britannique n’était pas un sport mais un passeport. Offert aux jeunes membres éminents de la haute société, il permettait de se confronter, le temps d’une après-midi, à tout ce qu’il était interdit de faire le reste de la journée. Le premier jeu des trônes en quelque sorte. Se traîner dans la boue pour lever les tabous, se rentrer dans la gueule pour faire tomber des têtes couronnées, se frotter en mêlées pour régler quelques comtes, les limites n’existaient qu’à la frontière des règles fixées et celles-ci étaient bien plus permissives que les codes protocolaires. Pour les fils d’ouvriers, c’était plus compliqué, et le code, prolétaire, car, comme d’hab, il fallait se payer le droit d’entrée.  C’est donc une question d’argent et de société qui fit le XIII. On ne se posait pas la question de savoir si ce serait plus spectaculaire ou divertissant d’enlever deux joueurs sur le terrain, mais plutôt que des centaines puissent pratiquer.

Le XIII a eu ses heures de gloire depuis. En France notamment. D’aucuns pourraient se souvenir de la tournée victorieuse des Français en Australie en 1951 et de leur retour triomphal devant plus de 100 000 personnes sur la Canebière (selon la Police, près d’un million selon les marseillais). Mais il n’arrive pas à trouver le Graal économique qui ferait de lui l’égal de son grand frère. Tout aussi peu de pays pratiquants mais moins de licenciés ; une Coupe du Monde mais moins de media autour ; des stars mais qui font des AR avec le 15 comme on va en Suisse chaque fin d’année.

Toutefois, n’y a-t-il pas un frémissement ? Un espoir ? La superstar neo-zélandaise, Sony Bill Williams, après un passage par Toulon et champion du monde en titre avec les Blacks, a décidé, s'en régalant ouvertement, de prolonger son bail actuel avec les Kiwis (Blacks à XIII). En Australie, les retransmissions des matchs font souvent partie des meilleures audiences annuelles. Mais surtout, depuis que le 15 est passé professionnel, les mondes se rapprochent et du côté de l’Angleterre du sud, le jeu à XIII est maintenant pratiqué dans les plus prestigieuses universités. Peut-être que sa plus grande aptitude à mélanger combat et spectacle charmera un jour ceux qui cherchent encore à faire la synthèse du 7 et du 15. Non par compromis mais par composition.

 
Tout comme ma danseuse étoile, vous ne me croirez pas si je vous dis que cette même année où nous avons joué la finale universitaire de 7 avec l’UFR STAPS de Nice, nous avons également joué celle du XIII. Pourtant nous étions bien à Toulouse, en face de ce qui était alors l’équipe de France universitaire des « -2 » comme on les appelait. Avec le recul je me rends compte de l’approche hautaine que nous avons eu à l’orée de la rencontre, moquant leur tenue soviétesque, maillots moulants, shorts moule-bites et casques élimés, leurs carrures de rases bitumes et les absences dentaires. 80 minutes plus tard, je ne sais plus combien de points dans la musette et les épaules en vrac, nous avions compris la rudesse de ce jeu qui n’en est pas un, l’intelligence des coups à trois bandes, l’humilité de ceux qui s’exposent sans compter. Nous pensions rencontrer le passé nous avons vu ce qui pourrait être notre avenir. Mais je ne le réalise que maintenant. Il paraît qu’on a tort d’avoir raison trop tôt. Attendons encore un peu et rdv dans 10 ans.

lundi 21 octobre 2013

Patrice en vrac


Patrice désolé mais la messe est dite. Tu as malheureusement lancé la curée des commentaires, et pas seulement ceux formulés par les cibles que tu as choisies pour démontrer que tel est le foot d'après toi. Certes, ceux à qui tu t'adresses tout particulièrement ne sont pas des enfants de chœur, mais est-ce une raison pour leur faire porter ta croix ?
Après tout, qu’as-tu fait depuis le bus et l’arrêt Knysna pour mériter autre chose que des sermons sans concession tant tes prestations en tricolore manque de foi et d’engagement ? On ne t’attendait pas en sauveur, même si certains de tes fidèles ont bien essayé de nous faire croire que tu aurais délivré un évangile miraculeux au purgatoire d’un Biélorussie-France dramatique pour le culte du foot français. On espérait juste que ta période de contrition se poursuivrait jusqu’à ce que peut-être, on puisse te pardonner.
Tu sais bien, en plus, que dans le football, les petits gabarits partent avec un a priori négatif sur leur capacité à être de bons joueurs de tête. Et là, franchement, c’est un coup à clore le débat définitivement. Et ce n’est pas sympa pour tous les moins d’1m70 qui vont arriver. Franchement, faut quand même pas être très finaud pour balancer en ce moment et cracher le feu de l’enfer. Ou alors pas comme ça.
D'un français jouant à Manchester et fracassant les media de déclarations venant de nulle part, j'avais gardé en mémoire celle d'Eric Cantona : "When the seagulls follow the trawler, it is because they think sardines will be thrown into the sea." On sentait bien le désamour, la méfiance, une certaine méprise, un dédain pour le moins. Il y avait surtout de l’ironie poétique et de l'intelligence tactique à laisser les commentaires à ceux qui parfois en font trop c'est vrai, mais qui ne font, après tout, que leur métier. Canto voyait le foot comme un art, les journalistes comme des critiques, et les traitait comme tel, avec grandeur.
Mais bon, on ne se décrète pas Roi, on le devient. Et là excuse moi, mais à part la place de roi des cons je me demande bien ce que tu pourras t’offrir. Franchement, à l'heure où l'Equipe de France cherche à remonter vers le soleil de l'amour national barreau après barreau à l'instar d’un batracien méthodique, tu aurais pu penser. Réfléchir. Mais pas à toi, à l’équipe, en capitaine que tu as été, ou du moins nommé. C’est à se demander si, malgré ton palmarès, tu ne resteras pas à tout jamais un petit joueur.
En fait, j'ai bien peur pour toi que tu ne remontes plus dans aucun bus de l'Equipe de France ou alors il sera vide. Moi perso, je me cognerais pas un voyage avec toi jusqu'au Brésil. On sait jamais, tu ne voudrais pas mettre la radio et si je disais un truc qui te plait pas, tu pourrais demander au chauffeur de me débarquer comme ça. Sur un coup de tête.

dimanche 20 octobre 2013

Formule zéros.

Mon premier message. Ça fait quelque chose quand même. Même si l'on se doute bien qu'à part soi et "là par hasard", le lancement risque d'être un peu confidentiel ... Mais bon, c'est un premier message et toutes les premières fois sont importantes.

Quel sujet donc, pour cette première ? Politique ? Economie ? Compétition ? People ? ...

Allez, je choisis la famille Affaires avec la Formule 1.

Pauvre sport que la Formule 1. Si peu d'intérêt pour un championnat qui n'a pourtant jamais été si ouvert mais où les ex-seconds rôles en têtes d'affiches ont ébranlé tous les plans marketing si bien huilés depuis des années par le système Ecclestone. Un champion du monde tellement peu célébré et si faiblement "couvert" médiatiquement que, s'il n'avait été le chouchou des tabloïds les années précédentes, il pourrait porter plainte pour absence de considération. Un patron de Fédération Internationale découvert par vidéo volée, en sado-maso aux goûts vert-de-gris douteux. Un ex-play-boy sur le déclin démasqué en plein trafic de contrebande mais qui veut retrouver sa fierté en faisant appel d'une décision déjà bien douce en regard de la faute et des impacts d'image. Des bouches qui s'ouvrent pour crier les magouilles passées, les pilotes qui se vendent, ceux qui s'achètent, le mérite par l'argent ou la naissance ... mais de quoi parle-t-on dans ce sport ? Ok rien n'est tout blanc mais quand même, où est le rêve ? Où sont Fangio, Senna , Prost, Clark ? Cela a-t-il commencé avec Schumacher qui veut maintenant revenir et refaire le coup dit de "Lance Armstrong" pour (re)conquérir des coeurs en mal de passion ? Moi je crois qu'un jour, quand on est moins Roi, moins puissant dans ce genre de mondes, parce que moins de moyens et d'argent, on peut faire la faute de faire comme si c'était toujours comme avant. Et là, "malheureusement", les règles ont changé, "on" ne passe plus les mêmes éponges, "on" n'avale plus les couleuvres et "on" se rebelle d'avoir été pris pour un con pendant des années.

"On" fait payer. Mosley, Briatore, les soi-disant petits génies du volant. La F1, et sans doute le sport automobile dans son ensemble, est fragilisée dans le développement qu'elle s'était choisi (plus de cash, plus de circuits, plus de spectacle et moins de sport). Parce que la crise économico- financière est là. Parce qu'elle est peu (pas ?) en phase avec les considérations environnementales nécessaires aujourd'hui. Parce qu'elle est trop aseptisée et trop visiblement contrôlée. Criarde de passe-droits et de condescendance, voire d'indifférence, elle ne fait plus rêver que le coeur de passionnés, qui font certes encore patiner l'embrayage aux feux rouges, doublent à 132km sur l'autoroute, s'achètent des voitures rouges parce que Ferrari mais qui s'y retrouvent de moins en moins quand on leur siphonne leur ... essence.

Ca m'a fait du bien de voir Button et Brawn GP Champions du monde. Sans illusions mais de l'imprévu c'est au moins ça. Et de la fraîcheur pour respirer une autre odeur.

lundi 14 octobre 2013

Rugby Asset

«What a week !» comme dirait ma bretonne préférée. Oui, quelle semaine pour le rugby. L’air de rien la tectonique des plaquages vient en effet de fournir une nouvelle donnée. Ainsi, alors que la H Cup démarrait ce WE pour le XV, Canal + venait d'annoncer qu’elle diffuserait désormais les HSBC Sevens World Series, grands rdv internationaux du rugby à 7. Un petit événement sans doute mais comme le disait Lao Tseu, « un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas ». Car en 2016, le 7 sera olympique. Et la planète rugby risque de changer de visage pour toujours.

La dernière apparition de la balle ovale aux Jeux remonte à 1924. Ils se tenaient à Paris et le rugby n’offrait en fait qu’un mini tournoi entre les Etats-Unis, la Roumanie et la France. What a program ... De plus, la « finale » entre les joueurs de foot américains relookés et les coqs locaux gominés restera dans les annales non par le niveau de jeu mais par la propension des intervenants à s’en mettre plein la ganache, les locaux faisant ici respecter une longue tradition de savoir-vivre et les invités de savoir-faire. Mais les seigneurs des anneaux ne l’entendirent pas de cette oreille et tapèrent sur la table comme si, déjà, il n’y avait pas eu assez de coups de poing. Coubertin jura qu’on ne l’y reprendrait plus et surtout, qu’il ne les reprendrait plus.

Depuis, le déploiement international du XV, malgré la création de la Coupe du monde, n’a toujours pas convaincu les instances olympiques. Et petit à petit l’idée du 7 a fait son nid. Des mêlés et des touches qui n’en sont pas, évitant la plupart des incompréhensions des supporteurs mass-market, du combat au près inexistant, rassurant les mamans sur l’avenir de leur progéniture, et surtout de la vitesse, des contournements, des grandes chevauchées, du jeu de passes en veux-tu en voilà sur des rencontres courtes et remplies d’essais. Sans compter le spectacle traditionnel en tribunes, à l’instar du légendaire Tournoi de Hong Kong où des colonies entières de britanniques viennent chaque année depuis 1976 se déguiser en dindon ou autre Super Mario, l’important étant d’avoir une bière gigantesque à la main et de remporter le concours de costumes débiles ou de tenter un record du monde de chants improbables.

Le XV est une religion et elle a ses adeptes. Anglo-saxons lorsqu’il s’agit de complexifier au maximum les règles pour ramener vers la conduite à droite et le roastbeef bouilli ; latins s’il y a matière à magouiller un peu tout en jurant sur la tête de sa mère que c’est l’autre qui a commencé. Mais elle n’a pas su convaincre au delà de son cercle premier d’apôtres. Ceux-ci resteront fidèles et j’en fais partie, mais force est de reconnaître que son courant, avec le 7, offre d’autres atouts, emportant le grand public et assurant une extension planétaire. Car même si l’Angleterre les néo-zélandais ou les sud-africains font partie des nations majeures des deux pratiques, on retrouve dans l’élite du 7 le Portugal, la Russie ou le Kenya. Et ça change tout, surtout pour ce que peut être le rugby de demain, un fils à JO.

Je me souviens, à la fin des années 80 avec l’UFR STAPS de Nice en compagnie notamment de mon ami Julien Schramm et entraîné par Daniel Herrero, notre équipe avait joué LE tournoi à 7 universitaire de l’époque, celui de l’Ecole Centrale de Paris. Nous étions solides mais plutôt portés sur le combat collectif, les grandes parties de manivelles et les chandelles incendiaires. Des valeurs ancestrales de XV quoi. Or, c’est comme cela que nous jouions aussi à 7 et si le niveau relativement faible des équipes nous avait porté en finale, les spécialistes écossais que nous y rencontrions alors nous avaient donné une leçon et surtout démontré que ce n’était pas le même jeu. Nous leur avions couru après tout le match, nous soulageant d’une sympathique bagarre générale au final pour avoir bonne conscience, mais nous avions perdu quoi qu’il en soit, y compris pour l’obtention du Prix du public. Et je crains, si toutefois il faut le craindre, que ce ne soit le même sort qui attende ce rugby que nous aimons tant aujourd’hui et que nous vénérerons sans doute encore demain. Mais peut-être comme une légende.


lundi 7 octobre 2013

Le Classique et les modernes

Classico. A moins d’être sourd(e), aveugle et asocial(e) vous n’aurez pas manqué d’être touché(e) par la déferlante médiatique autour de la rencontre qui chaque année depuis que Canal existe dans le monde du ballon rond, met l’accent sur l’avant de la Seine du football français. OM/PSG s’inscrit désormais dans l’Histoire par la grâce du story-telling et dans l’actualité par l’innovation permanente de la chaîne à péage. Hier soir, les plans semblaient plus nombreux, le zoom plus précis, le CanalPad faisait son apparition et les interactions «social» volaient à tire d’ailes dans un temps irréel. Oui, le Classique est à chaque fois plus moderne.

La déferlante n’est pas que médiatique elle est donc aussi technologique. Plus d’écrans, plus de contenus, plus d’analyses, plus d’avis, plus de partages. Pour tout ceux qui ne sont pas au stade, le spectacle doit être aussi dans les salons.

Pourtant, à l’heure de l’entrée sur le terrain des deux équipes, mon iPad sur les genoux et mon iFred à la main, je me disais que j’aimerais tant être dans les tribunes et vibrer aux ondes de l’événement qui se déroulerait sous mes yeux. Finalement, la capacité de plus en plus imposante à donner la vue sur la partie m’offrait une excitation de plus en plus frustrante à me donner l'envie d’en faire partie. Est-ce pour cela que je choisis d'aller me réfugier avec ma belle footballeuse dans une salle où l'écran donne une réalité à la fiction plutôt que de rester devant celui qui ne donne qu'une fiction de la réalité? Quoi qu'il en soit c'est bien ce paradoxe qui me rappelle qu’en d’autres temps, un autre n’aura pas été résolu.

A la fin du XVIIème siècle naissait en effet une querelle qui secoua le monde littéraire et artistique français. Les Classiques soutenaient qu'en terme de création, rien ne pouvait dépasser l’absolue de l'Antiquité tandis que les Modernes avaient une croyance totale dans la capacité d'innovation des auteurs du siècle de Louis XIV. En fait, une espèce de combat de perruqués coupant les cheveux en quatre et se crêpant le chignon pour savoir si les garçons-coiffeurs du Roi Soleil allaient tirer la couette de l’idéal créatif sur eux. Mais évidemment personne n’a rien prouvé à personne et chacun resta sur ses certitudes.

Aujourd'hui la perruque n'est plus de mise sur les terrains de football, même si l'on ne compte plus les odes ostentatoires à Jacques Dessange, ou autres Tony & Guy sur les crânes publicit-hair des joueurs. Mais le débat existe encore de savoir si le Classique ne se vit pas dans un stade, comme depuis toujours, comme depuis l’Antiquité, plus que dans un salon, là où certes tout est à portée de main mais tellement loin de tout. Je ne sais pas vous mais moi, si j’avais le choix pour mon fils entre une place de match au Vélodrome, et un abonnement à Canal +, je prendrais le ticket vers l’émotion du live parce que si ce n’est là que l’avis se prend, c’est là que la vie s’apprend.

lundi 30 septembre 2013

Surf illimité


Si vous avez pour habitude estivale d'aller vous faire dorer la couenne sur les plages basco-landaises, vous n'aurez pas manqué de remarquer qu'année après année, elles se drapent de planches colorées au milieu des serviettes tandis que les écoles de surf proposent initiations et ridicule garanti pour les centaines de primates accédant, faisant passer les fronts de mer pour des baignoires d'enfants à l'heure de concours maousses de canards en plastique. Le trop est l'ennemi du bien, en l'occurrence il devient celui du bain.

Mais de temps en temps ça redevient sérieux. Et même s'il ne fait pas grand beau sur les marques surfwear, ce n'est pas la grisaille qui gâchera le Quiksilver Pro cette semaine à Seignosse. Car là, comme par enchantement, les cadors de la board remplacent les hordes des abords et le spectacle, d'affligeant redevient stupéfiant. Ne voyez là, SVP, aucun joint avec les substances qui créent parfois des Herbonimbus géants au dessus des spectateurs du dit spectacle, je parle bien de performances sportives.

Car même si l'esprit du surf embrasse depuis toujours le désormais célèbre et commercial « Sea, Sex and Sun », on ne surfe pas avec une telle régularité dans la grâce en se tapant à l'année des mojitos au gingembre ou en gratouillant frénétiquement des guitares à la manière d’une victime de crises d’urticaires géantes. Comment ferait sinon Kelly Slater, la quarantaine provocante, pour nous enchanter encore après 11 titres de champion du monde ? Sans compter, entre deux concours officiels lui servant à mater la classe biberon et remplir sa salle des trophées, sans compter donc sur sa capacité à dompter les monstres marins aux quatre coins du monde ou encore, sur l’inacceptable magnétisme qu’il dégage auprès de ma petite sirène. Oui, le surf a bien changé depuis les sessions de nuit californiennes où l’acide servait de carburant et le LSD de lampe torche.

Il est pro, désormais, jusqu’au bout de la wax. Et l’un de ses meilleurs représentants est Joël Parkinson, champion du monde en titre. Malade de son application mobile qui lui aurait permis d’être sacré sans trembler, il ne jure plus que par elle, ses calculs, ses algorithmes, ses optimisations télémétriques. Oui, il est bien loin le temps où l’on se disait qu’après une bonne caisse de bières, le swell serait well et la mer plus douce. Dorénavant il faut classer, organiser, vérifier, planifier, … Exceler pour exceller. Et vendre pour rester dans les courses, connotant sans retour possible la saga du Surfeur d’argent.

Mais ne soyons pas tristes, la magie opère encore. Le surf a fait rêver des millions d’hommes autour de la planète, créant une philosophie de vie en short, un idéal d’épicurisme aux cheveux longs, ajoutant le feu à la jonction de l’eau et de la terre. Oui, la magie s’accomplit toujours en les voyant, surfeurs de haut niveau, insolents de facilité, suscitant les remous, caressant les émois, complices avec notre mer à tous.

L’été prochain c’est décidé, je n’aurai certes pas progressé en figures de style illustres, mais si le soleil brille je mettrai mon amour dans un combi Volkswagen et j’irai lui dénicher quelques lieux préservés des hordes de tous, là où de rares privilégiés partent à l’eau une planche à la main pour en revenir le sourire aux lèvres partager la preuve que la légende est bien réelle, que l’Homme, un jour est arrivé sur la Terre en surfant, mais surtout, qu’il n’a pas de limite.



lundi 23 septembre 2013

Les Bleus dans les yeux

Mon arrière grand mère, que j’ai eu la chance de connaître par la double conjugaison d’une accroche à la vie hors du commun en ce qui la concerne et d’une capacité quasi surnaturelle de ma part à me souvenir d’instants que je n’ai jamais vécus, mon arrière grand mère donc, disait, « si tu as les yeux bleus tu vois la vie différemment ». Petit j’ai regardé d’un drôle d’œil tous mes copains à l’iris concerné, adolescent je craignais qu’elle n’ait eu des penchants pour le vichy pendant la guerre et plus tard, la science m’a démontré qu’elle avait fait beaucoup de progrès depuis les cours de mon institutrice d’aïeule.

Les Bleus sont champions d’Europe et sans doute voient-ils la vie différemment aujourd’hui. Après un match où ils auront récité leur leçon par cœur sous la houlette de Tony the Best faisant passer le sponsor des lituaniens pour un oiseau de mauvaise augure,  je retiendrais quand même l’exploit hispanique de la demi-finale. Car samedi matin, en tombant sur la Une de l’Equipe je prenais les yeux des Bleus dans la pupille et leurs visages d’enfants devant le sapin de Noël, et je me demandais déjà s’ils voyaient la vie différemment après leur incroyable victoire contre ceux qui ne contemplent pas les mêmes Pyrénées que nous.

A la mi-temps de ce défi, le poids des mots, au final, le choc de la photo ; pari et match gagné. On ne revient pas de nulle part sans attaquer de toutes parts, sans combattre l’inéluctable, sans refuser le censé de l’histoire. Après 10 défaites consécutives contre les toreros, qui feraient passer mes multiples échecs au Rubik's Cube pour des victoires de l’intelligence sur le plastique en couleur, les bleus ont renversé bien plus que le cours d’un match, ils ont modifié celui de leurs vies. Dorénavant ils sauront ce dont ils sont capables mais aussi que rien n’est jamais définitif, qu’il faut toujours se battre jusqu’à la muerte, et que le basket n’est pas un sport où Javier et Pedro gagnent toujours à la fin.

J’ai le sentiment de croire également, en sentant les poils de mes bras se hérisser devant ce cliché, ce qui m’arrive rarement sauf lorsque je croise madame Martin ma gardienne, probablement toujours en course pour le titre de championne du monde des femmes à barbe, qu’ils peuvent aussi changer le cours de notre vie. Au moins pour cette journée. Et tout à coup, j’ai l’impression que tout le monde autour de moi a vu la Une du quotidien sportif. Comment, sinon, comprendre que le boulanger jusque là aimable comme un pain dans la gueule ait ce sourire un peu ahuri que l’on ne rencontre habituellement qu’au cœur d'un orgasme venu de nulle part lui aussi ?

A l’heure d’Instagram qui transforme en Joconde potentielle le gros plan d’une quelconque progéniture ingrate, le cliché de l’Equipe nous a offert comme un cadeau de la vie, des kilogrammes d’instantané de bonheur pur. Et cela a suffit au mien, en ce matin de septembre et alors que n'ouvrant qu'à peine les yeux, je ne doutais plus dès lors qu’ils soient bleus, puisque je venais de voir l'envie différemment.

dimanche 15 septembre 2013

Cris d'honneur

Un proverbe chinois dit : «Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt ». Je crois à une forme de résilience collective, volontaire et ponctuelle concernant l’idiotie. Preuve en est, longtemps, un américain nous a montré la lune et nous avons à souhait, oublié de regarder son doigt. Peut-être avons-nous bien fait, le rêve était dans chacun de ses coups de pédales, chacune de ses organisations, toutes ses accélérations fulgurantes, ou la mainmise sur un peloton qu’il résignait. Mais lorsqu’il a été lui-même montré du doigt, l’astre a noirci. Et nos rêves avec.

Aujourd’hui, un autre américain en apporte d’autres. Chris Horner, 41 ans vient de remporter la Vuelta. A part ma petite Reine, encyclopédie des jambes rasées montées sur des machines bicylées, personne ne le connaît. Mais il possède lui aussi, une part d’exceptionnel. Car il est devenu le vainqueur le plus âgé de l’histoire d’un tour majeur. Bien sûr le nom vous dit quelque chose sachant qu’Yvette, homonyme accordéoné, franchouillard et féminin, a parcouru jusqu’à plus souffle les routes de la Grand Boucle. Mais aucune récompense n’est venue honorer ses performances, hormis le maillot à bretelles dont elle était la seule prétendante.

Alors oui, Chris Horner n’est pas connu. Mais, gagnant alerte, il gagne à l’être. Et si l’on accepte le fait que le vélo reste sans doute avec la boxe et la force tranquille le sport le plus exigeant physiquement, la course des sportifs contre la montre du temps qui passe, trouve un espoir inespéré dans la victoire de cet américain au physique de collègue de bureau, fier de sa médaille du travail venue récompenser vingt ans de carrière accroché au même burlingue en aggloméré stratifié.

Oui, pourquoi ne pas imaginer le même destin pour d’autres athlètes ? Après tout, on ne compte plus les analyses psycho-scientifico-sociologiques démontrant comment les générations se rapprochent, comment les grands-mères ressemblent à leurs filles, voire à leurs petites-filles, offrant à «Mamie Nova »une consonance ultra futuriste loin des propriétés transito-digestives des produits laitiers. Il en va de même sur le terrain du sport. L’âge des artères recule à la force des meilleures préparations, de l’optimisation des soins, de la qualité du suivi, toutes ces améliorations qui, dopage ou pas, jouent un rôle clef dans la capacité à durer sur la longueur. Et je ne parle pas que de Rocco Siffredi.

On verra peut-être ainsi Fred Michalak, 36 ans, tenter et réussir la pénalité du titre de champions du monde à Tokyo en 2019. Ou Franck Ribéry  39 ans, tromper le gardien brésilien et emmener la France en finale de la Coupe du monde au Qatar en 2022. On s’exaltera pourquoi pas devant Usain Bolt, qui passera pour la première fois sous les 9.45 sur 100m à l’occasion du meeting de Berlin 2026 et de la célébration de son 40ème anniversaire. Et qui sait si l’on ne se jettera pas les uns sur les autres de joie en voyant Teddy Riner célébrer son 20ème titre de champion du monde à Moscou en 2029 devant ses premiers petits enfants ? Après tout, on dit bien que les champions sont éternels. Il est temps d'avancer un peu sur la distance.

En attendant, et d’autant que, comme le disait Desproges, «l’ibère est rude », on ne peut que se réjouir d’avoir vu notre pionnier américain poussé par des cris d’honneur tout au long des derniers lacets vueltesques.  Il le mérite, et je peux ainsi continuer à rêver moi aussi, quadragénaire avancé, de remettre un short et de retrouver les terrains de rugby comme si les jours n’avaient été que des minutes, les années des semaines et mon corps, le miroir de celui de mon fils. Enfin peut-être pas, 16 ans j’aurais pas l’âge de jouer en équipe 1, ce serait idiot, il faudrait attendre de vieillir un peu.