lundi 28 octobre 2013

13 à table

Mesdemoiselles, si vous voulez esquisser quelques pas de danse le 1er novembre du côté d’Avignon, sachez que les gabarits que vous y rencontrerez seront sans doute quelque peu éloignés des standards du genre idéal, ce qui ne les empêchera pas de transformer le lieu en cité de l'épate. S’y déroulera en effet un France-Nouvelle-Zélande au cœur de la 13ème Coupe du Monde de Jeu à XIII qui démarre ce WE sur les terres franco-britanniques, et y aura du massif.  Se proposant comme un pont entre le 7 et le 15, et à l’heure où le quinze couvre d’argent tout ce qui se fait de mieux en ovalie tandis que le 7 va se recouvrir d’or olympique, le XIII se cherche une place à la table du rugby international. Mais ce ne sera pas aussi simple qu’une règle de trois.

Le XIII est né en 1895 en Angleterre d’une scission entre les clubs de rugby du nord et ceux du sud, les premiers souhaitant compenser les frais imposés aux joueurs pour la plupart d’origine ouvrière, pour pratiquer, alors que ceux du sud, composés d’universitaires aisés s’y opposaient. Il faut dire qu’à cette époque le rugby britannique n’était pas un sport mais un passeport. Offert aux jeunes membres éminents de la haute société, il permettait de se confronter, le temps d’une après-midi, à tout ce qu’il était interdit de faire le reste de la journée. Le premier jeu des trônes en quelque sorte. Se traîner dans la boue pour lever les tabous, se rentrer dans la gueule pour faire tomber des têtes couronnées, se frotter en mêlées pour régler quelques comtes, les limites n’existaient qu’à la frontière des règles fixées et celles-ci étaient bien plus permissives que les codes protocolaires. Pour les fils d’ouvriers, c’était plus compliqué, et le code, prolétaire, car, comme d’hab, il fallait se payer le droit d’entrée.  C’est donc une question d’argent et de société qui fit le XIII. On ne se posait pas la question de savoir si ce serait plus spectaculaire ou divertissant d’enlever deux joueurs sur le terrain, mais plutôt que des centaines puissent pratiquer.

Le XIII a eu ses heures de gloire depuis. En France notamment. D’aucuns pourraient se souvenir de la tournée victorieuse des Français en Australie en 1951 et de leur retour triomphal devant plus de 100 000 personnes sur la Canebière (selon la Police, près d’un million selon les marseillais). Mais il n’arrive pas à trouver le Graal économique qui ferait de lui l’égal de son grand frère. Tout aussi peu de pays pratiquants mais moins de licenciés ; une Coupe du Monde mais moins de media autour ; des stars mais qui font des AR avec le 15 comme on va en Suisse chaque fin d’année.

Toutefois, n’y a-t-il pas un frémissement ? Un espoir ? La superstar neo-zélandaise, Sony Bill Williams, après un passage par Toulon et champion du monde en titre avec les Blacks, a décidé, s'en régalant ouvertement, de prolonger son bail actuel avec les Kiwis (Blacks à XIII). En Australie, les retransmissions des matchs font souvent partie des meilleures audiences annuelles. Mais surtout, depuis que le 15 est passé professionnel, les mondes se rapprochent et du côté de l’Angleterre du sud, le jeu à XIII est maintenant pratiqué dans les plus prestigieuses universités. Peut-être que sa plus grande aptitude à mélanger combat et spectacle charmera un jour ceux qui cherchent encore à faire la synthèse du 7 et du 15. Non par compromis mais par composition.

 
Tout comme ma danseuse étoile, vous ne me croirez pas si je vous dis que cette même année où nous avons joué la finale universitaire de 7 avec l’UFR STAPS de Nice, nous avons également joué celle du XIII. Pourtant nous étions bien à Toulouse, en face de ce qui était alors l’équipe de France universitaire des « -2 » comme on les appelait. Avec le recul je me rends compte de l’approche hautaine que nous avons eu à l’orée de la rencontre, moquant leur tenue soviétesque, maillots moulants, shorts moule-bites et casques élimés, leurs carrures de rases bitumes et les absences dentaires. 80 minutes plus tard, je ne sais plus combien de points dans la musette et les épaules en vrac, nous avions compris la rudesse de ce jeu qui n’en est pas un, l’intelligence des coups à trois bandes, l’humilité de ceux qui s’exposent sans compter. Nous pensions rencontrer le passé nous avons vu ce qui pourrait être notre avenir. Mais je ne le réalise que maintenant. Il paraît qu’on a tort d’avoir raison trop tôt. Attendons encore un peu et rdv dans 10 ans.

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