dimanche 8 novembre 2009

Peter Mauer


Quand je suis né, le mur était déjà là. Quelques années plus tard, encore petit, je me souviens avoir tapé contre lui, avec mes ballons, pendant des heures. C’était, à l’époque, les plus belles heures de ma vie.

Nous habitions une petite maison à Rochefort-sur-mer et je ne me souciais pas encore des demoiselles mais plutôt de retrouver les copains, après l’école, pour rejouer les matchs des ronds Verts ou ceux des Bleus ovales. Malgré les parties et les devoirs j’avais du temps devant moi. Alors je tapais contre ce mur qui bordait notre jardin et je rêvais. Un jour je frappais un penalty vainqueur, à la dernière seconde de la finale de la coupe d’Europe, et les supporters hurlaient notre joie. Un autre je réussissais la pénalité de la dernière chance à 50m des poteaux, en coin, le soleil et le vent dans les yeux, une frappe « monumentale » envoyant mon ballon gonflé à la bouche, entre les barres de mon imaginaire qui n’avait pas de limites. J’étais aux anges et ce mur était mon paradis. Je sais, pour en avoir rencontré au fil des ans, que beaucoup d’anciens enfants comme moi, ont fait les mêmes rêves contre d’autres murs. Certains les ont concrétisés, d’autres non mais qu’importe, nos enfances ont été belles puisque nos vies étaient rêvées sans cesse.

A l’heure où l’on va célébrer les vingt ans de la destruction du Berliner Mauer, je ne peux m’empêcher de me demander si des enfants comme nous tapaient sur cette barrière. Y avait-il des endroits où les barbelés laissaient des ouvertures ? A défaut d’ouvrir vers l’ouest, quelques interstices offraient-ils un espace vers les coupes d’Europe et les pénalties ? Sans doute choisissaient-ils d’autres parois, moins proches de la digue. Je les aurais quand même bien vu, bombarder jours et nuits ce conglomérat de bêtise, tentant de conjurer le mauvais sort d’un 12 août 1961. Mais comment s’imaginer ? Comment se mettre à leur place ? Rien que les mots ne semblent pas les mêmes : taper, frapper, bombarder. Tout à coup l’on entend la colère et la fureur. Dans ce contexte-là, ils sonnent durs, des mots d’adultes.

Il devrait exister un conte qui dirait autrement le mur de la honte.

Il était une fois un jeune garçon qui s’appelait Peter. Quand il naquit, le mur était déjà là. Quelques années plus tard, encore petit, il se promis de taper contre lui chaque jour, avec un ballon, cadeau de son parrain, une légende du foot ouest-allemand. Les mois et les années passèrent. Un soir de novembre 1989, sur un dernier coup-franc, un dernière rêve d’enfant et de liberté, le mur céda, aspirant les espoirs et la fureur des désirs. La suite est une autre histoire mais, pour Peter, ce neuvième jour de novembre fut le plus beau jour de sa vie.

2 commentaires:

  1. moi c'était le mur derrière la maison qui recevait les coups, du "tennis", avec une balle en mousse jaune et une malheureuse racquette noire en plastique rigide, et même Borg n'avait qu'à bien se tenir...

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  2. Moi, c'était plutôt le portillon pour rentrer dans le jardin: on ouvrait les deux battants et ça faisait un vrai but de foot.
    Puis, il y avait les haies du jardin voisin pour tenter les drops - ca passait, ca ne passait pas, ou pire, la béchigue restait coincée au milieu des feuillages - il fallait alors aller chercher les longues perches qui servent de balai pour la piscine et partir à la pêche miraculeuse, assis le cul en biais sur les épaules de son copain... Chaque année, quand le moustachu avec la grande échelle et le coupe-haie électrique venait faire la mise au carré annuelle, c'était un peu Noel avant l'heure: on remettait la main sur les Tango et autres Wallabie, qui étaient restés quillés comme dans les neiges éternelles.
    Je donnerais cher pour retourner en taper un ou deux, sur cette placette derrière chez "moi"...

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